TACRA I-1
TRIBUNAL DES ANCIENS COMBATTANTS (RÉVISION ET APPEL)
DÉCISION D'INTERPRÉTATION
DATE DE L'AUDITION: |
23 novembre 2004 |
DÉCISION RENDUE: | 1er février 2005 |
Re: Interprétation du paragraphe 32(1) et de l'article 111 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), L.C. 1995, ch. 18.
MEMBRES DU COMITÉ: | Victor Marchand, président d'audience |
Françoise Dufour | |
Raymond Fournier | |
Linda MacInnis | |
Don Wilson | |
COMPARAISSENT | Pierre Allard, Légion royale canadienne |
Evan Elkin, Bureau de services juridiques des pensions | |
Harold Leduc, Association canadienne des vétérans pour le maintien de la paix | |
Thomas Brooks, The Company of Master Mariners of Canada | |
QUESTION: | Sur quels critères le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) (le Tribunal) devrait-il se baser pour déterminer si une décision doit être réexaminée ou non lorsque de nouveaux éléments de preuve sont présentés, conformément au paragraphe 32(1) ou à l'article 111 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel)? ? |
ÉLÉMENTS DE PREUVE
Pièces: | Pièce I-1 | un document intitulé Approval Rates for Conditions Favourable Vs. Unfavourable (auteur inconnu) – présenté au comité par Pierre Allard |
Pièces jointes: | PJ I-1 | Amadeo Garrammone et Procureur général du Canada (2004), CF 1553 |
PJ I-2 | un document intitulé Tribunal Management: In Search of Nimbleness, présenté le 3 juin 2002 lors de la réunion du Conseil des tribunaux administratifs canadiens (préparé et présenté par P. Showler et L. Disenhouse) |
Introduction
La présente demande visant à obtenir une décision d'interprétation a été faite par le chef par intérim des services juridiques, conformément à l'article 37 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel). La décision portera sur l'interprétation à donner aux articles 32 et 111 ainsi qu'à l'article 31 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel).
La question précise à laquelle il s'agit de répondre est la suivante : Lorsque la demande de réexamen est basée sur la présentation de nouveaux éléments de preuve, quel test le Tribunal devrait-il utiliser ou sur quels critères devrait-il se fonder pour déterminer si une décision doit être réexaminée ou non?
Contexte
La question que le comité d'interprétation du Tribunal doit trancher trouve ses origines dans le jugement de la Cour fédérale du Canada dans l'affaire MacKay c. Procureur général du Canada [1997] (C.F.S.P.I.),1 (129 F.T.R. 286).
Dans le jugement Mackay, le juge Teitelbaum a fait remarquer qu'il existe un test juridique bien établie et acceptée pour déterminer si une décision doit être réexaminée lorsque de « nouveaux » éléments de preuve sont présentés après que ladite décision ait été rendue. Même si ce test émane d'un arrêt de la Cour suprême du Canada dans une affaire de droit criminel (Palmer et Palmer c. La Reine, [1980] 1 R.C.S. 759), le juge Teitelbaum a conclu que le test relatif aux nouveaux éléments de preuve, énoncé dans l'arrêt Palmer, peut également s'appliquer aux demandes de réexamen basées sur de nouveaux éléments de preuve et présentées conformément aux dispositions de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel). En se référant au ledit test, le juge Teitelbaum a énuméré les quatre principes applicables pour établir la « nouveauté » d'un élément de preuve. Il a ensuite analysé les nouveaux éléments de preuve présentés par M. MacKay à la lumière des quatre principes du test. Ces principes sont les suivants :
- On ne devrait généralement pas admettre une preuve qui, avec diligence raisonnable, aurait pu être produite [à l'audience précédente], à condition de ne pas appliquer ce principe général de matière [sic] aussi stricte dans les affaires criminelles que dans les affaires civile;
- La preuve doit être pertinente, en ce sens qu'elle doit porter sur une question décisive ou potentiellement décisive quant au sort de la cause;
- La preuve doit être crédible, en ce sens qu'on puisse raisonnablement y croire;
- La preuve doit être telle que si l'on y ajoute foi, on puisse raisonnablement penser qu'avec les autres éléments de preuve produits, elle aurait influencé le résultat.
Puisque le juge Teitelbaum a décidé que le test énoncé dans l'affaire Palmer pouvait être utilisé par le Tribunal dans les demandes de réexamen basées sur de nouveaux éléments de preuve, le Tribunal se fonde depuis sur ce test pour déterminer si une décision doit être réexaminée ou non.
Précis de la décision d'interprétation
Après avoir examiné tous les arguments qui lui ont été présentés sur cette question, le comité conclut que tous les éléments du test relatif aux nouveaux éléments de preuve, établi dans les affaires Palmer et Mackay, sont applicables intégralement lorsqu'il s'agit de déterminer si une demande de réexamen basée sur de nouveaux éléments de preuve est recevable par le Tribunal.
Le Tribunal a conclu que le principe de diligence du test est applicable aux demandes de réexamen puisqu'il est conforme à l'objet ainsi qu'à l'esprit de la Loi et, au bout du compte, avantageux pour les anciens combattants. En appliquant le principe de la diligence, on reconnaît ce fait essentiel : c'est avant l'audience de révision (la «révision» étant la première étape du processus d'appel devant le Tribunal), qu'il convient de réunir tous les éléments de preuve et de préparer, de façon complète et exhaustive, le dossier de l'ancien combattant. De plus, en appliquant le principe de la diligence, on peut raisonnablement présumer que toute lacune quant à la preuve ou tout défaut, à ce niveau de «révision», auront été traités par le Tribunal avant la dernière audience devant ce dernier, c'est-à-dire le niveau de «l'appel».
L'application du principe de diligence par le Tribunal est, finalement, à l'avantage des anciens combattants, puisque le fait d'obtenir en retard – ou de ne pas obtenir du tout – les éléments de preuve qu'il faut pour bien étayer le dossier est contraire aux intérêts de l'ancien combattant – et à ceux du système administratif tout entier. Le Tribunal reconnaît que toute pension ou prestation à laquelle l'appelant a droit devrait être octroyée le plus tôt possible, durant le processus d'appel. Par conséquent, le système a le devoir de s'assurer que la cause de l'appelant soit la meilleure possible et qu'elle soit mise de l'avant le plus tôt possible.
L'application du principe de diligence aux demandes de réexamen est également conforme à l'objet de l'article 31 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), qui stipule que les décisions d'un comité d'appel sont définitives et exécutoires. Par ailleurs, le principe de diligence raisonnable laisse aussi au Tribunal toute latitude pour rouvrir le dossier et réexaminer une décision, lorsqu'un comité d'appel constate que la présentation de nouveaux éléments de preuve pourrait justifier un réexamen, étant donné les circonstances particulières d'un cas.
Le Tribunal en conclut que, pour toute demande de réexamen basée sur de nouveaux éléments de preuve et présentée conformément au paragraphe 32(1) ou à l'article 111 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), il se fondera sur plusieurs critères (y compris le principe de diligence raisonnable) pour déterminer si la décision sera réexaminée ou non.
En appliquant le principe de diligence raisonnable, le Tribunal décidera d'accepter ou non les nouveaux éléments de preuve, après avoir déterminé s'ils auraient pu être soumis avant que le Tribunal tienne sa dernière audience d'appel et que la décision définitive soit rendue. Il s'ensuit que, dans toute demande de réexamen basée sur de nouveaux éléments de preuve, le Tribunal s'attendra à ce que l'appelant ou son représentant lui soumette des arguments expliquant la raison pour laquelle les nouveaux éléments de preuve n'ont pas été présentés avant ou au moment de la dernière audience d'appel.
Le Tribunal utilisera en outre plusieurs autres critères lorsqu'il analysera les nouveaux éléments de preuve soumis dans le cadre d'une demande de réexamen présentée conformément au paragraphe 32(1) ou à l'article 111 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel). Il se demandera, entre autres, si les nouveaux éléments de preuve sont pertinents, plausibles et d'une importance telle que la décision définitive rendue par le comité d'appel pourrait être modifiée.
ARGUMENTS
- L'idée maîtresse de l'argumentation développée devant le comité sur la question du test ou des critères qui devraient s'appliquer dans les demandes de réexamen présentées conformément au paragraphe 32(1) et à l'article 111 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) est la suivante : le principe de diligence – autrement dit, la question de savoir si, grâce à une préparation diligente du dossier, les éléments de preuve auraient pu être disponibles au palier d'appel – ne devrait pas être appliqué par le Tribunal lorsqu'il évalue de nouveaux éléments de preuve.
- L'audition a débuté par la présentation des arguments de M. Evan Elkin, avocat-conseil en chef par intérim du Bureau de services juridiques des pensions (le « BSJP »). M. Elkin a soutenu que l'application du critère de diligence raisonnable, lorsqu'il s'agit de déterminer si une décision doit être réexaminée ou non, est incompatible aussi bien avec l'esprit et l'objet de la Loi qu'avec l'ensemble du processus de recours d'Anciens Combattants Canada.
- Selon l'avocat-conseil en chef, l'obligation d'établir qu'il y a eu diligence raisonnable n'est pas mentionnée expressément dans la Loi comme condition préalable pour obtenir un réexamen, une telle obligation étant d'ailleurs incompatible avec l'esprit et l'objet de la Loi ainsi que du système d'Anciens Combattants, caractérisés par la générosité. L'avocat-conseil en chef a souligné que, même si la Loi ne mentionne pas expressément la crédibilité ou la pertinence, ces deux critères sont acceptables, puisqu'ils font implicitement partie de toute décision administrative basée sur l'évaluation d'éléments de preuve. Selon lui, cependant, le système d'Anciens Combattants met beaucoup plus l'accent sur la générosité que sur la finalité.
- M. Elkin a fait remarquer que le libellé du paragraphe 82 (1) de la Loi sur les pensions est identique au libellé des articles 32 et 111 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel). Il a ajouté que les règles d'interprétation des lois plaident en faveur de l'uniformité entre des lois connexes. Par conséquent, les deux articles de la Loi devraient être interprétés de la même manière. M. Elkin a soutenu qu'il ne serait pas logique d'exiger la diligence raisonnable dans les demandes de réexamen présentées au Tribunal, alors que le Ministre n'impose pas la même exigence quand il s'agit de déterminer si une révision ministérielle doit être effectuée ou non à la lumière de nouveaux éléments de preuve.
- Selon M. Elkin, il ne fait aucun doute que la diligence raisonnable et la finalité constituent des préoccupations légitimes dans tout autre système à débat contradictoire. Ces préoccupations sont toutefois moins légitimes dans le cas du système d'Anciens Combattants, lequel n'est pas contradictoire. Comme aucune autre partie n'est touchée par la décision du Tribunal, a estimé M. Elkin, le concept de finalité ne devrait pas jouer un rôle majeur dans l'étude des demandes de réexamen. Selon lui, dans la Loi, la finalité est subordonnée à la générosité.
- Selon M. Elkin, le juge Teitelbaum a peut-être erré dans le décision MacKay en supposant que le critère d'évaluation des nouveaux éléments de preuve, emprunté à une affaire criminelle, pouvait s'appliquer à l'évaluation des nouveaux éléments de preuve dans les demandes de réexamen présentées au TACRA. Or, d'alléguer M. Elkin, cette erreur, qui aurait été commise par la Cour fédérale dans la décision MacKay, a été reprise dans plusieurs décisions ultérieures du même tribunal. La situation devrait toutefois être réévaluée par le Tribunal, puisque la Cour fédérale n'a peut-être pas entièrement compris le caractère non contradictoire et extrêmement généreux du processus de pensions d'Anciens Combattants.
- On a également estimé que l'application du principe de diligence raisonnable aurait un effet négatif ou « inhibiteur » sur le système, par suite des retards causés, au palier de révision et d'appel, par l'obligation, pour les avocats-conseils et autre représentants, d'attendre les rapports médicaux et autres documents avant de passer à l'audition de l'affaire.
- M. Pierre Allard, directeur du Bureau d'assistance à la Direction nationale de la Légion royale canadienne, a soutenu pour sa part que l'exigence relative à la diligence raisonnable a des implications extrêmement graves. Selon lui, la diligence raisonnable a sa raison d'être dans le droit criminel, mais non dans l'octroi de pensions devant un tribunal quasi judiciaire. L'application du principe de la diligence raisonnable pourrait même avoir une incidence sur les révisions ministérielles. En mettant l'accent sur la diligence raisonnable, a estimé M. Allard, le Tribunal ouvre la porte à un glissement de mission.
- Se référant à un document intitulé « La gestion du tribunal : pour une agilité accrue », que ses auteurs, P. Showler et L. Disenhouse, ont présenté en 2003 au Conseil des tribunaux administratifs canadiens, M. Allard a fait remarqué que les tribunaux administratifs ont pour mission principale et pour raison d'être d'accélérer le règlement des réclamations. Selon lui, les dispositions concernant le « bénéfice du doute » contenue dans la Loi ainsi que d'autres dispositions de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) ne comportent aucune obligation de diligence. Ce qu'on exige, à son avis, c'est : 1) l'efficacité – autrement dit, les clients ont droit à des décisions rapides; 2) l'équité – autrement dit, les éléments de preuve les plus probants doivent être soumis au tribunal pour assurer une décision juste; et 3) un processus décisionnel de qualité – autrement dit, une information pertinente et exacte doit être soumise au comité. L'efficience constitue un autre avantage des tribunaux. Le TACRA doit être rapide, sans formalité et agile.
- Selon M. Allard, le Tribunal devrait décider que le principe de diligence raisonnable ne s'applique pas au processus de réexamen du TACRA. Même la jurisprudence, a-t-il estimé, indique qu'un tel principe n'a pas sa place. Il a souligné en effet que, sauf dans l'affaire Caswell ([2004] A.C.F. N/ 1559), la Cour fédérale n'a rendu aucune décision indiquant que la diligence raisonnable s'applique à la procédure du TACRA. Il a ajouté qu'un tribunal n'est pas censé s'intéresser aux éléments de preuve qui ne lui sont pas soumis, mais bien à ceux qu'il a sous les yeux. En ce qui concerne le TACRA, l'article 39 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) ne dispense pas le requérant de l'obligation d'établir le lien de causalité, mais exige du TACRA qu'il tire des conclusions favorables lorsqu'un doute subsiste. Selon M. Allard, il incombe à tout tribunal de continuer de recevoir les éléments de preuve sans mettre fin au processus. Un tribunal administratif doit appliquer la Loi telle qu'elle est libellée. Or, a estimé M. Allard, exiger la diligence raisonnable est contraire au mandat du Tribunal, car une telle exigence ralentira le processus, tout en présentant les effets indésirables d'un « glissement de mission ».
- M. Harold Leduc a présenté ses arguments au comité d'interprétation au nom de l'Association canadienne des vétérans pour le maintien de la paix. Selon lui, il existe un contrat social dont le Tribunal doit tenir compte quand il détermine le test à appliquer aux nouveaux éléments de preuve dans les demandes de réexamen. Rappelant les dispositions relatives au «bénéfice du doute » contenues dans la Loi, il s'est demandé si les anciens combattants, en particulier, comprennent bien le système. Il a notamment posé les questions suivantes : Qui est responsable du processus? À qui appartient le processus? Aux anciens combattants ou au Ministère? Selon lui, c'est le Ministère qui a l'obligation d'exercer une diligence raisonnable. Se référant à la décision de la Cour fédérale dans l'affaire Caswell, il a souligné que le principe de diligence raisonnable n'a pas sa place dans le système de pension d'Anciens Combattants.
- Selon M. Leduc, lorsque des demandes de pension sont refusées sur la base des éléments de preuve fournis, les anciens combattants estiment que c'est parce qu'on ne les a pas crus. Quand il passe en revue les affaires qui ont été jugées, il constate l'existence d'un conflit de cultures. M. Leduc a posé la question suivante : Les juges qui ont estimé que le Tribunal devrait appliquer le principe de diligence raisonnable pour les demandes de réexamen ont-ils saisi toutes les implications du contrat social? C'est là, selon lui, la question fondamentale qu'on a perdu de vue au cours des cinquante dernières années.
- Témoignant pour le compte de la Coalition de la marine marchande pour l'égalité, M. Thomas Brooks a déclaré que, dans certains cas, les dossiers relatifs au service ont été détruits et ne peuvent être soumis à titre d'éléments de preuve. Dans d'autres cas, a-t-il ajouté, les éléments de preuve sont en principe entre les mains de l'ancien combattant, mais celui-ci ne sait peut-être pas où ils se trouvent. M. Brooks a signalé au comité que des dossiers de la marine marchande ont été détruits en 1946. Il a raconté qu'on avait récemment attiré son attention sur le cas d'un ancien combattant de la marine marchande qui, pendant des années, a été incapable de trouver des éléments de preuve à l'appui de sa demande de pension, car les dossiers avaient été détruits en 1946. Or, un jour, il a découvert dans son grenier, parmi des documents plus anciens, une lettre qu'il avait écrite alors qu'il était détenu dans un camp de prisonniers de guerre durant la Seconde Guerre mondiale. Il avait enfin la preuve qu'il cherchait depuis si longtemps. M. Brooks s'est dit d'avis que le Tribunal devrait tenir compte de situations de ce genre en appliquant le principe de diligence raisonnable.
MOTIFS
- Les présentations orales et écrites faites par les groupes qui ont participé à la présente audience d'interprétation montrent clairement qu'aucun groupe ou association ne conteste la majorité des critères du test relatif aux « nouveaux éléments de preuve », tels qu'ils ont été établis par la Cour fédérale dans la décision MacKay. Les présentations du BSJP et de la LRC, notamment, indiquent que ces deux organismes conviennent que la pertinence et la plausibilité des nouveaux éléments de preuve ainsi que leur capacité d'influence sur le résultat d'une décision constituent des facteurs pertinents quand il s'agit pour le Tribunal de déterminer si une décision doit être réexaminée sur la base de ces nouveaux éléments. Les organismes qui ont fait des présentations sont toutefois d'avis que le Tribunal ne devrait pas appliquer le principe de « diligence raisonnable » aux demandes de réexamen basées sur de nouveaux éléments de preuve.
- La principale question soulevée dans les arguments présentés au comité est la suivante : Le Tribunal devrait-il appliquer le principe de « diligence raisonnable » lorsqu'il détermine si une décision d'appel doit être réexaminée à la lumière de nouveaux éléments de preuve? L'autre question soulevée est la suivante : Sur quel critère (ou ensemble de critères) le Tribunal devrait-il se fonder pour déterminer si une décision doit être réexaminée lorsque de nouveaux éléments de preuve sont présentés conformément au paragraphe 32(1) ou à l'article 111 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel)?
- Il importe d'abord de comprendre que l'application du principe de diligence ne supprime pas – ni ne limite outre mesure – le pouvoir discrétionnaire du Tribunal. Le principe de diligence, tel qu'il est formulé dans les critères du test découlant des décisions MacKay et Palmer, n'est qu'un énoncé général. On a écrit textuellement : « On ne devrait habituellement pas admettre un élément de preuve...» Par conséquent, le comité a la discrétion de reconnaître un élément de preuve à la lumière des circonstances particulières et spéciales d'une affaire. Le principe de diligence n'a pas pour objet d'empêcher le réexamen dans toutes les circonstances. En fait, même en appliquant ce principe, il est encore possible de considérer les cas où il existe une explication raisonnable pour le retard à soumettre l'élément de preuve. Il y a encore les situations où le comité pourra se montrer compatissant et tenir compte des raisons données pour ledit retard.
- Non plus, le Tribunal considère qu'une insistance sur le principe de la “diligence” est-il contraire à la nature d'un système sans débat contradictoire d'octroi de pensions des Anciens Combattants. L'absence de débat contradictoire ne relève pas l'appelant de son obligation d'appuyer sa demande de preuves.
- Le BSJP maintient que la diligence raisonnable n'est pas mentionnée expressément dans la Loi comme condition préalable à un réexamen. Pourtant, le même argument pourrait s'appliquer aux autres éléments du critère applicable aux nouveaux éléments de preuve – à savoir, la crédibilité, la pertinence et l'incidence (ou capacité d'influencer le résultat de la décision antérieure) –, puisqu'aucun de ces éléments n'est expressément mentionné dans la Loi. Or, le BSJP soutient que les autres critères n'en sont pas moins pertinents, car ils font partie intégrante du processus d'évaluation des éléments de preuve par n'importe quel tribunal. Selon le BSJP, le critère de diligence n'est pas pertinent dans le système de pensions d'Anciens Combattants, car il est incompatible avec l'esprit de générosité qui caractérise ce système.
- Le comité croit que la pertinence et l'applicabilité de la diligence raisonnable à toute demande de réexamen se trouvent parfaitement justifiées quand on examine la question dans le contexte de la Loi et à la lumière du fonctionnement même du système de pensions d'Anciens Combattants. En premier lieu, l'article 31 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) stipule que les décisions rendues par le Tribunal au palier d'appel sont censées constituer une disposition finale et définitive des questions soulevées lors de l'appel. Il est clair, aux termes de l'article 31, que lorsqu'un comité d'appel du Tribunal a rendu sa décision, on ne peut plus interjeter appel sur cette question.
- Il existe toutefois une exception, conformément au paragraphe 32(1) et à l'article 111 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel). La Loi accorde en effet au Tribunal un pouvoir discrétionnaire pour rouvrir le dossier et réexaminer la décision définitive, si des motifs précis existent. Le processus de réexamen est toutefois différent du processus d'appel. Il ne s'agit pas d'un droit que l'appelant peut considérer comme «de plano». Le processus de réexamen est plutôt un recours discrétionnaire, qui nécessite un ensemble de raisons précises sur lesquelles le Tribunal peut se fonder pour exercer sa discrétion. Étant donné que la décision d'appel est censée être définitive et exécutoire, et qu'un réexamen de cette décision est laissé à la discrétion du Tribunal, on peut en conclure que le Parlement considérait le réexamen comme un processus exceptionnel qui ne doit être mis en oeuvre que s'il existe de très bonnes raisons de rouvrir le dossier.
- En outre, étant donné qu'aux termes de l'article 31 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), une décision d'appel est censée être définitive, le législateur considère que des éléments de preuve pertinents doivent être présentés avant l'audience d'appel et avant que la décision d'appel définitive ne soit rendue. Si on demande au Tribunal de réexaminer une décision à la lumière de nouveaux éléments de preuve censément pertinents et importants, mais qui n'ont été présentés qu'après que la décision définitive ait été rendue, une question se pose inévitablement : « Pourquoi ces éléments de preuve n'ont-ils pas été présentés plus tôt? » La lecture du texte de loi soulève forcément une telle question. Le comité en conclut que, même si les termes « diligence » et « diligence raisonnable » n'apparaissent pas dans le texte de loi, ils sont prévus implicitement dans le mécanisme d'appel.
- Si on ne peut ignorer le fait que le paragraphe 32(1) et l'article 111 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) prévoient le réexamen d'une décision – même si celle-ci était censée être « définitive » –, on doit reconnaître que toute demande de réexamen suppose de soupeser d'une part la finalité et, d'autre part, des raisons pouvant justifier la réouverture éventuelle du dossier.
- On a soutenu qu'il n'est pas logique que le Tribunal applique le principe de diligence raisonnable comme condition préalable à un réexamen en vertu de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), alors que le ministre des Anciens Combattants n'impose pas la même exigence lorsqu'il décide d'accorder ou non une révision ministérielle basée sur de nouveaux éléments de preuve conformément au paragraphe 82(1) de la Loi sur les pensions. On estimait que les règles d'interprétation des lois plaident en faveur de l'uniformité entre des lois connexes. Par conséquent, comme le libellé du paragraphe 82 (1) de la Loi sur les pensions est identique au libellé des articles 32 et 111 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), ces articles de la Loi devraient être interprétés de la même manière. Le comité constate cependant que la principale différence entre les deux dispositions est que le pouvoir de réexamen du TACRA doit être interprété à la lumière du principe de finalité établi à l'article 31 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel). Or, il existe une nette différence entre les décisions du Tribunal, dont le caractère définitif est établi à l'article 31, et les décisions du Ministre, qui ne sont pas définitives et peuvent être annulées par le Tribunal (voire par le Ministre luimême lors d'une révision, s'il existe des motifs appropriés). (Aucune présentation relativement à l'interprétation du paragraphe 82(1) de la Loi sur les pensions n'a été faite par le ministère des Anciens Combattants lors de la présente audience.)
- Le BSJP s'est par ailleurs dit d'avis que le juge Teitelbaum a peut-être manqué d'esprit critique dans la décision MacKay en supposant que les demandes de réexamen présentées au TACRA sont semblables à celles d'autres mécanismes de recours. Selon le BSJP, ce n'est pas le cas, puisque le système d'Anciens Combattants est censé être non contradictoire et beaucoup plus généreux que d'autres systèmes. Si le comité comprend bien la position du BSJP, le Tribunal devrait recevoir tous les éléments de preuve qui lui sont présentés, peu importe à quel moment ou à quelle étape du processus, puisque c'est la générosité et non la finalité qui prévaut dans le système de pensions.
- Après avoir étudié toutes les présentations, le comité ne peut appuyer l'argument selon lequel, dans la décision Mackay, le juge Teitelbaum a par inadvertance appliqué le principe de diligence au test relatif aux nouveaux éléments de preuve parce qu'il ne comprenait pas le système de pensions d'Anciens Combattants. Le comité ne peut non plus admettre que le juge Teitelbaum ne voulait pas que le Tribunal applique le principe de diligence lorsqu'il étudie les demandes de réexamen basées sur de nouveaux éléments de preuve, conformément aux articles 32 ou 111 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel). Le test applicable aux nouveaux éléments de preuve est bien établie. Il ne fait aucun doute que les quatre critères du test relatif aux nouveaux éléments de preuve énoncés dans la décision Palmer s'appliquent aussi bien aux affaires de droit civil qu'aux affaires de droit criminel. Le comité est par ailleurs entièrement d'accord avec le fait que le système de pensions d'Anciens Combattants est généreux, et il ne doute aucunement que la Loi doit être interprétée libéralement en faveur de l'ancien combattant conformément, à l'article 2 de la Loi sur les pensions et à l'article 3 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel). Cet état de choses n'est toutefois pas entièrement différent de ce qu'on observe dans d'autres domaines du droit civil et dans d'autres tribunaux administratifs qui fonctionnent de manière non contradictoire.
- Nombre de régimes de prestations sociales fonctionnant de manière non contradictoire sont régis par des dispositions législatives identiques ou similaires, qui exigent une interprétation juste, corrective, généreuse et libérale de la Loi. Mentionnons, entre autres, les lois régissant l'indemnisation des accidents du travail, les droits de la personne, les pensions d'invalidité du gouvernement fédéral ainsi que le système d'appel fédéral de l'assuranceemploi. Il est important de noter que ces régimes autorisent également les réexamens à la discrétion du décideur. Or, même dans ces régimes non contradictoires, il est courant de se demander si la demande de réexamen est liée à un manque de diligence du requérant dans la préparation de son dossier en vue de l'audition précédente. Avant de réexaminer une décision, les décideurs oeuvrant dans d'autres régimes non contradictoires se demandent également si les nouveaux éléments de preuve présentés à l'appui d'une demande de réexamen auraient pu être soumis à une étape précédente du processus. Ils se posent aussi une série de questions qui s'apparentent beaucoup aux quatre critères du « test relatif aux nouveaux éléments de preuve», appliqués actuellement par le TACRA. Le fait de s'interroger sur la diligence – ou le manque de diligence –, dans le cas d'une demande de réexamen basée sur de nouveaux éléments de preuve, ne peut donc être considéré comme incompatible avec un système non contradictoire.
- En toute justice, le comité doit également noter que les références données dans la décision détaillée rendue par le juge Teitelbaum dans l'affaire MacKay montrent que la nature et le fonctionnement de la Loi ont été examinés à fond et sont très bien compris, en particulier les articles 3, 39, 32 et 111 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel). Le comité en conclut que c'est en connaissance de cause que le juge Teitelbaum a voulu que le TACRA tienne compte de la diligence lorsqu'il décide de recevoir ou non de nouveaux éléments de preuve, et de rouvrir un dossier conformément à l'article 111 ou au paragraphe 32(1) de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel).
- En outre, la Cour fédérale a confirmé encore plus récemment que la diligence constitue un facteur valable dans le système d'Anciens Combattants. Dans les jugements rendus dans Percy c. Canada (Procureur général) [2004] A.C.F. N/ 888; Caswell c. Canada (Procureur général) [2004] A.C.F. 1655; et Martel c. Canada (Procureur général) [2004] A.C.F. N/ 1559, la Cour fédérale a confirmé que, lorsque de nouveaux éléments de preuve sont présentés après< la décision d'appel rendue par le TACRA, celui-ci doit se demander pourquoi ces éléments de preuve ne lui ont pas été présentés plus tôt.
- Dans Caswell, la Cour fédérale a conclu que le TACRA n'est pas tenu de recevoir de nouveaux éléments de preuve, à moins que l'appelant ne puisse valablement expliquer pourquoi ces nouveaux éléments de preuve n'ont pas été fournis aux étapes précédentes du processus. La Cour a déclaré, au paragraphe 22 de la décision :
Il n'y a dans le dossier aucune explication claire et convaincante pouvant justifier l'incapacité de M. Caswell d'obtenir plus tôt la lettre de M. Wesch ... Non seulement M. Caswell aurait-il pu soumettre sa lettre plus tôt dans le processus (il aurait pu, à l'évidence, l'ajouter à la lettre de M. Wesch), mais il aurait dû le faire. C'est une « seconde chance » que M. Caswell essaie d'obtenir en présentant un élément de preuve qui prétend expliquer adéquatement pourquoi la lettre de M. Wesch est admissible à titre de nouvel élément de preuve. C'est lors de l'audience de réexamen, en septembre 2002, que cette explication aurait dû être donnée. [Traduction]
- Le juge de la Cour fédérale conclut, au paragraphe 23 du jugement Caswell,que, si l'appelant ne peut expliquer pourquoi les nouveaux éléments de preuve sont présentés en retard, le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) n'est aucunement tenu de recevoir ces nouveaux éléments de preuve ou même de donner suite à la demande de réexamen.
- Dans Percy c. Canada (Procureur général), la Cour fédérale a confirmé que le Tribunal avait raison d'appliquer le principe de diligence dans l'examen des nouveaux éléments de preuve fournis par le requérant. Le juge s'est également dit d'accord avec la conclusion du Tribunal, selon laquelle le requérant aurait pu – et, par conséquent, aurait dû – présenter ses éléments de preuve à l'audience d'appel, en déclarant [au paragraphe 11] que :
Je suis d'accord pour dire que les éléments de preuve n'étaient pas nouveaux, qu'ils n'étaient pas pertinents et qu'ils n'auraient pas pu changer le résultat sur quelque question que ce soit et, finalement, que le Tribunal n'a pas commis d'erreur en concluant en ce sens. Qui plus est, vu la teneur de la lettre du 27 mars 2003 [le nouvel élément de preuve], rien ne permet de penser qu'il n'était pas possible d'obtenir les renseignements qu'on y trouve au moment du premier appel que M. Percy a interjeté devant le comité d'appel du Tribunal. C'est donc à bon droit que le Tribunal a conclu que les nouveaux éléments de preuve n'étaient pas pertinents et qu'ils n'auraient pu conduire à une autre conclusion.
- Dans un jugement rendu récemment – Martel c. Canada (Procureur général) [2004] A.C.F. N/ 1559 –, le juge Russell a traité de façon approfondie de la compétence du Tribunal en matière de réexamen. Sa décision comporte une analyse complète et détaillée des dispositions de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) relativement aux réexamens, et elle aide à comprendre l'équilibre qui doit être réalisé entre le principe de finalité établi à l'article 31 et les pouvoirs du Tribunal en matière de réexamen, établis au paragraphe 32(1) et à l'article 111 de la Loi. Comme l'a signalé le juge Russell aux paragraphes 29 et 30 de son jugement, la décision d'un comité d'appel est définitive et exécutoire en vertu de l'article 31 de la Loi, mais le comité est néanmoins habilité à rouvrir le dossier et à réexaminer sa décision conformément au paragraphe 32(1) de la Loi. Cependant, le juge a également fait remarquer que le paragraphe 32(1) de la Loi constitue un recours extraordinaire et non pas simplement un autre palier d'appel.
- Pour ce qui est de savoir à quel moment le pouvoir discrétionnaire du Tribunal devrait s'exercer lorsque de nouveaux éléments de preuve sont présentés, le juge Russell déclare, au paragraphe 90 de la décision Martel :
[90] Il est dans la nature du réexamen d'une décision qui de par la loi est définitive et exécutoire que la décision initiale ne puisse être infirmée que sur la foi de preuves particulièrement convaincantes et uniquement si le décideur arrive à la conclusion que la décision initiale aurait fort bien pu être différente s'il avait eu cette preuve devant lui lorsqu'il l'a rendue. Ce sera à plus forte raison le cas si le demandeur bénéficie d'une assistance professionnelle et si l'on peut présumer qu'il a présenté les meilleurs arguments possible au vu de la preuve. Ainsi que l'expliquait le juge en chef Mansfield dans l'arrêt Blatch v. Archer (1774), 1 Cowp. 63 à la p. 64, 98 E.R. 969 (K.B.), [traduction] « Il existe certainement un principe voulant que tous les faits soient appréciés à la lumière de la preuve que l'une des parties était en mesure de produire et que l'autre partie était en mesure de réfuter » . Cet aphorisme n'est pas à strictement parler un principe juridique, mais il énonce la règle concrète selon laquelle un demandeur doit considérer non seulement les faits dont il se trouve qu'il a connaissance, mais également les faits qu'il est dans son pouvoir de connaître et qui par conséquent auraient dû être allégués. Nulle directive du législateur ne saurait se substituer à la règle du bon sens d'après laquelle celui qui établit un fait doit être persuadé de la véracité du fait qu'il allègue. Affirmer le contraire, c'est prétendre qu'il y a droit à pension dès lors qu'il existe un indice infime de son existence. [Traduction]
- Au paragraphe 93 de la décision Martel, le juge Russell fait remarquer que le requérant n'a pas su présenter tous ses éléments de preuve et soumettre le meilleur dossier possible au moment opportun – c'est-à-dire lors de l'appel. Il déclare, entre autres :
...Il y a aussi le fait que le rapport du docteur Petit a été soumis très tard... Pourquoi le requérant n'a-t-il pas présenté, dès le départ, le meilleur dossier possible? [c'est nous qui soulignons.] Le requérant n'a jamais répondu à ces questions. [Traduction]
- Les décisions de la Cour fédérale que nous venons de citer énoncent clairement la proposition que la diligence dans la préparation du dossier constitue un facteur pertinent et important dont il faut tenir compte lorsqu'on décide de recevoir ou non de nouveaux éléments de preuve, et de réexaminer ou non une décision d'appel.
- La conclusion selon laquelle le principe de diligence constitue un élément approprié du test applicable aux nouveaux éléments de preuve dans les demandes de réexamen se trouve d'ailleurs renforcée quand on examine le contexte dans lequel fonctionne – et est censé fonctionner – le système de décision et d'appel d'Anciens Combattants en matière de pensions.
- Il convient d'abord de noter que le système comporte plusieurs garanties procédurales et formelles, qui ont pour but de s'assurer que l'ancien combattant a la possibilité d'établir son droit à l'avantage qu'il cherche à obtenir. Lorsque l'appelant en arrive à l'étape du réexamen, il a déjà eu trois ou quatre occasions de prouver sa cause. Sa demande de pension et ses éléments de preuve ont d'abord été examinés par le ministre des Anciens Combattants, qui a rendu une décision à cet égard. Une fois cette décision rendue, le requérant peut demander une révision ministérielle conformément au paragraphe 82(1) de la Loi sur les pensions, s'il a de nouveaux éléments de preuve à présenter au Ministre. Donc, avant même de se présenter devant le TACRA, l'appelant a eu plus d'une occasion de prouver au Ministre le bien-fondé de sa cause.
- Après que le Ministre a rendu sa (ou ses) décision(s) relativement à la demande du requérant, celui-ci peut demander une révision auprès du TACRA, conformément à l'article 84 de la Loi sur les pensions. La révision est un droit qui n'est assujetti à aucune justification. À l'audience de révision, le requérant a la possibilité de témoigner et de faire témoigner toutes les personnes qu'il souhaite. Les frais de déplacement et de subsistance engagés par le requérant et par les témoins pour assister à l'audience de révision sont remboursés en vertu de l'article 24 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel). Le requérant a droit à une nouvelle audition lorsqu'il peut ajouter de nouveaux éléments de preuve (oraux ou écrits) au dossier de première instance ou soulever une question pertinente par rapport à celui-ci. L'audience de révision a lieu dans un endroit qui convient au requérant et lorsque le requérant (ou son représentant) est prêt. Il n'y a aucune limite de temps pour demander une révision ni aucune raison apparente qui limiterait un requérant de se présenter à une audience de révision avant d'avoir pu réunir tous ses éléments de preuve et d'être fin prêt. À l'audience, les témoignages sont reçus sous la foi du serment ou sur déclaration solennelle. La plaidoirie est faite par le requérant pour son propre compte ou encore, en son nom, par son avocat ou son représentant.
- Si l'appelant n'est pas satisfait de la décision de révision, il a le droit de demander une deuxième et dernière audience devant un comité d'appel. S'il choisit cette voie, une audition d'appel est organisée. Le processus de l'audition d'appel lui donne la possibilité de présenter par écrit de nouveaux éléments de preuve et de formuler aussi ses arguments verbalement. L'audition d'appel constitue une nouvelle audition de l'affaire. Toute question pertinente et tout argument nouveau peuvent être soulevés et de nouvelles preuves documentaires peuvent être présentées.
- En plus d'offrir aux anciens combattants nombre d'occasions de prouver le bien-fondé de leur cause, la Loi fait en sorte que d'autres types d'aides et de garanties soient mis à leur disposition à chaque étape du processus. Aux termes de la Loi – notamment la Loi sur les pensions, le Règlement sur les compensations et la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) – , c'est au requérant qu'il incombe de justifier sa demande en prouvant, selon toute probabilité, les faits au dossier. L'article 5 de la Loi sur les pensions et l'article 39 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) comportent toutefois, en matière de preuve, des dispositions qui aident l'ancien combattant à établir le bien-fondé de sa cause. Une fois que les faits ont été prouvés selon le critère approprié, il revient au décideur d'Anciens Combattants de les examiner sous le meilleur jour possible.2 L'article 39 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) exige du Tribunal qu'il tire les conclusions les plus favorables possibles des circonstances et des éléments de preuve qui lui sont présentés, d'accepter tout élément de preuve non contredit qui lui semble vraisemblable en l'occurrence, et de trancher en faveur du requérant toute incertitude quant au bien-fondé de la demande. Le Tribunal est tenu de tirer des conclusions favorables en vertu de l'article 39 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) lorsque les éléments de preuve donnent à penser qu'une conclusion favorable est plus qu'une simple possibilité3.
- Chaque fois qu'il se présente devant le Tribunal, l'ancien combattant peut, sans frais, obtenir des conseils juridiques et être représenté gratuitement par un avocat-conseil du BSJP ou par un représentant de la LRC. Même si les avocats-conseils du Bureau de services juridiques des pensions sont à l'emploi du ministère des Anciens Combattants, les dispositions de l'alinéa 6.2(2) de la Loi sur le ministère des Anciens Combattants confirment que ces derniers ont avec leurs clients des rapports d'avocat à client et ne sont pas obligés de divulguer certains renseignements ou documents4. Il existe aussi d'autres droits et garanties – notamment le droit, pour l'appelant, d'obtenir aide et conseils du ministère des Anciens Combattants lorsqu'il présente au Ministère une demande de pension conformément au paragraphe 81(3) de la Loi sur les pensions. En outre, tout le processus est non contradictoire. Le requérant ou son représentant est seul à établir le bienfondé de sa cause. Aucune partie adverse ne s'opposera à sa demande, à quelque étape du processus que ce soit.
- Lors de la présente audience, on a fait valoir que les règles du Tribunal en matière de réexamen devraient être suffisamment souples et libérales pour que l'appelant ait toujours la possibilité de présenter de nouveaux éléments de preuve. Pour étayer cette affirmation, le BSJP et la LRC ont indiqué que leurs représentants avaient souvent du mal à déterminer les questions qui pourraient être soulevées lors de l'audition d'appel, d'où leur difficulté à déterminer les éléments de preuve qu'il faudrait apporter pour prouver le bien-fondé de la cause lors de cette audition.
- Le Tribunal tient cependant à signaler qu'en général, lorsque l'appelant est prêt à être entendu en appel, les questions soulevées lors de l'audition d'appel devraient être raisonnablement bien définies. Un avocat-conseil ou un représentant qui connaît bien la Loi et le processus d'appel d'Anciens Combattants ainsi que les questions médicales et juridiques qu'on soulève habituellement dans ce système devrait, de toute évidence, être à même de prévoir les questions qui seront soulevées au palier de révision et d'appel, et d'obtenir tous les éléments de preuve possibles afin de prouver le bien-fondé de la cause de son client. Il devrait être clair aussi que l'appelant, son avocatconseil ou son représentant doivent être disposés à considérer l'audition d'appel comme leur dernière chance de soulever des arguments et des voies de recours éventuels.
- À la lumière de la description qui vient d'être faite – processus décisionnel à trois paliers, établi conformément aux lois pertinentes; garanties nombreuses et variées accompagnant le processus quasi judiciaire devant le Tribunal; et caractéristiques du système et prestations additionnels mis à la disposition des parties comparaissant devant celui-ci (p. ex. la représentation sans frais et le remboursement de certains frais liés à l'audition) –, le comité constate qu'il est tout à fait raisonnable de conclure que, lorsque le Parlement a décidé de considérer comme « définitives » les décisions d'appel rendues par le TACRA, il souhaitait que ce qualificatif soit pris au sérieux.
- Le Tribunal est en droit de s'attendre à ce que tous les éléments de preuve pertinents qu'on peut obtenir en exerçant une diligence raisonnable lui soient présentés avant que la décision d'appel ne soit rendue, de préférence, à l'étape de la révision. Le principe de diligence découle directement, d'une part, de la directive législative selon laquelle les décisions d'appel rendues par le Tribunal constituent le dernier palier décisionnel du TACRA et, d'autre part, du fait que son pouvoir de réexamen est censé être un recours extraordinaire et exceptionnel et non un autre palier d'appel. Le Tribunal ne peut légitimement adopter, en matière de preuves nouvelles, un test qui n'exigerait pas du requérant qu'il explique de façon suffisamment convaincante pourquoi les nouveaux éléments de preuve n'ont pas été présentés avant que la décision d'appel définitive n'ait été rendue. Agir autrement équivaudrait à ne tenir aucun compte du caractère définitif des décisions d'appel, comme le stipule l'article 31 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel).
- Par conséquent, le comité conclut que l'application du principe de la diligence concernant le réexamen est conforme à la législation et est essentielle pour assurer que le système des appels des pensions fonctionne tel que prévu. Le pouvoir de réexamen du Tribunal n'a pas pour but de servir de mécanisme d'appel continu, qui n'a jamais de fin. Le principe de diligence est appliqué aux réexamens pour assurer que le pouvoir de réexamen n'est utilisé que pour les cas qui méritent véritablement un réexamen.
- Le principe de diligence reconnaît qu'il faut recueillir tous les éléments de preuve pertinents et préparer soigneusement le cas d'un ancien combattant le plus tôt possible dans le cadre du processus d'arbitrage des pensions. En fin de compte, il est à l'avantage des appelants que le Tribunal applique le principe de la diligence. En effet, dans les cas où le droit à une pension d'invalidité est accordé, la prestation ou la pension peut être rendue disponible plus tôt. Les retards pour obtenir les éléments de preuve nécessaires pour établir un cas ont des répercussions négatives pour les demandeurs et réduisent l'efficacité du processus d'arbitrage et du système d'appel.
- Le comité en conclut qu'il est légitime et nécessaire d'appliquer le principe de la diligence raisonnable, lorsqu'il doit évaluer les nouveaux éléments de preuve sur lesquelles les demandes de réexamen sont fondées. Selon le comité, le principe de la diligence raisonnable constitue un des facteurs qui doit être considéré, en même temps que les autres, lorsqu'il doit décider si une décision d'appel sera réexaminée.
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1Dans la décision MacKay, la Cour fédérale a révisé la décision du Tribunal relativement à une demande de présentée conformément à l'article 111 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel).
2Tonner c. Canada (Ministre des Anciens Combattants), [1996] A.C.F. N/ 825; Schut c.Canada (Procureur général), [2003] A.C.F. N/ 1672; King c.Canada (Tribunal des anciens combattants (révision et appel)), [2001] CFPI 535; Hall c.Canada (Procureur général), [1998] A.C.F. N/ 890, confirmé [1999] A.C.F. 1800.
3Elliot c. Canada (Procureur général), [2003] C.A.F. 298, A.F.C. 1060.
4 L'alinéa 6.2(2) se lit comme suit :