2014-390 Décision

Cette page Web a été archivée dans le Web

L'information dont il est indiqué qu'elle est archivée est fournie à des fins de référence, de recherche ou de tenue de documents. Elle n'est pas assujettie aux normes Web du gouvernement du Canada et elle n'a pas été modifiée ou mise à jour depuis son archivage. Pour obtenir cette information dans un autre format, veuillez communiquer avec nous.

Représentante : Me Jillian E. Frank
Décision No : 100001951390
Type de décision : Ordonnance de la Cour fédérale de réentendre un appel de l'admissibilité
Lieu de l'audition : Charlottetown (Île-du-Prince-Édouard)
Date de la décision : le 14 janvier 2014

________________________________________________________

Le comité d'appel de l'admissibilité décide :

DIABÈTE TYPE 1

Droit à pension accordé, de l'ordre de un cinquième, pour un service effectué dans la Gendarmerie royale du Canada.
Article 32 de la Loi sur la pension de retraite de la GRC
Paragraphe 21(2) de la Loi sur les pensions

Le droit à pension entre en vigueur le 14 janvier 2011 (date précédant de trois ans la date à laquelle la pension a été accordée).
Paragraphe 39(1) de la Loi sur les pensions

Verser une compensation supplémentaire équivalant à cinq mois et cinq jours de pension.
Paragraphe 39(2) de la Loi sur les pensions


 
Devant : J.M. Walsh Membre présidant
  Roger B. Langille Membre
  Brent Taylor Membre
     
  Copie originale signée par :
Motifs présentés par : ______________________
  J.M. Walsh

 

 

MOTIFS DE DISSIDENCE INCLUS CI-APRÈS

 

 

INTRODUCTION

Cette demande est présentée par suite d'une ordonnance de M. le juge Russell de la Cour fédérale, datée du 9 août 2013. Dans cette ordonnance, M. le juge Russell acceptait la demande de contrôle judiciaire dans l'affaire entre l'appelant et le Procureur général du Canada (intimé), et cassait ainsi la décision du Tribunal des anciens combattants (révision et appel) (TACRA), datée du 18 juin 2012, qui portait sur l'appel touchant le droit à pension. Un nouveau comité d'appel composé de trois membres a été formé pour la tenue d'une nouvelle audience, qui s'est déroulée par vidéoconférence le 14 janvier 2014, en présence de l'avocate de l'appelant.

QUESTIONS PRÉLIMINAIRES

Les soumissions écrites de l'avocate présentent une argumentation touchant l'évaluation de l'affection de l'appelant, soit son diabète de type 1. Le comité a indiqué à l'avocate que cette évaluation ne lui incombait pas : si une décision favorable établissait que l'appelant avait droit à une pension d'invalidité étant donné son diabète, une évaluation préliminaire du degré d'invalidité découlant de son diabète serait effectuée par Anciens Combattants Canada (le Ministère). À ce moment-là, si l'appelant n'est pas satisfait de la décision relative à l'évaluation du Ministère, il pourra demander une révision ministérielle de cette décision, ou une révision de celle-ci par le TACRA.

Procédures engagées

L'appelant a servi dans la GRC du 1er juillet 1980 au 7 novembre 2012. Le 9 août 2010, il a présenté une Demande de pension d'invalidité pour son diabète de type 1. L'appelant affirme que son diabète s'est aggravé de façon permanente, depuis son premier diagnostic de diabète en 1992, à cause de facteurs liés à son service et à ses affectations au sein de la GRC, qui l'auraient empêché de surveiller son diabète et de s'administrer l'insuline selon ce qui était prescrit.

Dans une décision du 26 janvier 2011, le Ministère a établi que l'appelant n'avait pas droit à une pension, aux termes de l'article 32 de la Loi sur la pension de retraite de la Gendarmerie royale du Canada, conformément au paragraphe 21(2) de la Loi sur les pensions.

Le 10 août 2011, l'appelant s'est présenté devant un comité de révision de l'admissibilité du TACRA à Winnipeg, au Manitoba. Le comité a établi que l'appelant n'avait pas droit à une pension, après avoir conclu que la preuve médicale crédible présentée ne lui permettait pas de croire l'allégation de l'appelant selon laquelle son diabète s'était aggravé de façon permanente depuis son premier diagnostic de 1992, et après avoir conclu qu'il n'avait pas été démontré que l'affection de l'appelant était attribuable aux facteurs découlant de son service dans la GRC, et non à un manque d'effort et de responsabilité de sa part par rapport au traitement de son affection.

Un autre appel a été interjeté à l'égard de la décision du TACRA; un comité d'appel de l'admissibilité. La décision rendue le 15 mai 2012 établissait que l'appelant n'avait pas droit à une pension. Le comité d'appel a conclu que la preuve ne permettait pas d'établir que le diabète de l'appelant s'était aggravé de façon permanente pendant son service dans la GRC, et que les facteurs liés à son milieu de travail n'étaient pas ingérables au point de l'empêcher de soigner son diabète.

L'appelant a présenté une demande de contrôle judiciaire, qui a été acceptée par M. le juge Russell, dans son ordonnance du 9 août 2013. Dans la décision s'y rattachant, M. le juge Russell présente en détail plusieurs motifs pour lesquels il a cassé la décision du TACRA :

  • Le Tribunal n'a pas indiqué pourquoi il a décidé d'ignorer l'opinion du Dr Wiseman, qui attribuait précisément les effets néfastes du diabète de l'appelant aux facteurs liés à son service dans la GRC.
  • Le Tribunal a omis de prendre en considération les éléments de preuve présentés par les collègues de l'appelant ayant travaillé dans la GRC en tant que représentants des relations fonctionnelles. Ces déclarations corroboraient l'opinion du Dr Wiseman, relativement à la cause des effets néfastes du diabète de l'appelant.
  • Le Tribunal n'aurait pas dû rejeter l'opinion du Dr Silha, au motif que celui-ci n'avait pas mentionné les antécédents de tabagisme de l'appelant.
  • Le Tribunal a omis de tenir compte d'une preuve médicale non contredite sur le fond qui démontre que les effets néfastes et l'aggravation du diabète de l'appelant sont attribuables, ou sont directement rattachés, à son service dans la GRC. Ainsi, le comité n'a pas raisonnablement appliqué l'article 39 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel).

ÉLÉMENTS DE PREUVE ET DISCUSSION

Dans la déclaration qu'il a jointe à sa Demande de prestations d'invalidité et qu'il a présentée au cours de son témoignage devant le comité de révision, l'appelant a allégué que son diabète s'était aggravé de façon permanente depuis le diagnostic de 1992, à cause de facteurs liés à son service dans la GRC, et que cette aggravation se démontre par le développement d'une neuropathie périphérique et d'une rétinopathie. Voici ce qu'il a déclaré :

  • De 1992 à 1994 – Affectation à Shamattawa : En raison des lourdes exigences de son travail l'obligeaient à sauter des repas et des injections d'insuline, et à cause de la rareté des médecins, de l'accès limité à des aliments de qualité (par exemple, à des fruits frais) et de l'absence d'installations de mise en forme dans cette communauté éloignée, il lui était très difficile de contrôler sa glycémie.
  • De 1994 à 1997 – Service de renseignements criminels, affectation à Winnipeg : De longues heures de travail l'ont amené à sauter des repas et à mal s'alimenter. Par exemple, il mangeait des tablettes de chocolat pour augmenter le taux de sucre dans son sang, ce qui a mené à de l'hyperglycémie.
  • De 1997 à 2000 – Caporal, Section antidrogue de Winnipeg : Il a travaillé selon un horaire irrégulier à des projets importants, et cela l'a empêché de prendre ses repas à des heures normales; en outre, les attentes à l'égard d'un agent d'infiltration l'ont amené à fumer davantage de cigarettes et à accroître sa consommation d'alcool.
  • De 2000 à 2005 – Représentant divisionnaire des relations fonctionnelles (RDRF), Manitoba : Il avait des responsabilités 24 heures sur 24, et il avait de la difficulté à s'alimenter convenablement, parce qu'il voyageait beaucoup.
  • De 2005 jusqu'à la fin de son service - Exécutif national du Programme des représentants des relations fonctionnelles : Ses voyages fréquents ont continué de l'empêcher de bien manger et ont fait augmenter sa consommation de cigarettes par jour, de sorte à la porter à deux paquets par jour.

Preuve médicale

Diagnostic de diabète et traitement :

L'appelant a reçu son premier diagnostic de diabète de type 1 du Dr Wiseman le 16 avril 1992, avant son affectation à Shamattawa, au Manitoba. Le Dr Wiseman a traité l'appelant pour son diabète à la clinique du Manitoba, jusqu'à sa retraite en 2010. Au moment du diagnostic, le Dr Wiseman a indiqué qu'il y avait beaucoup de cas de diabète insulino-dépendant dans la famille de l'appelant, et a noté une glycémie au hasard de 22,5, un micro-anévrisme dans l'oeil gauche – qui indiquait que la maladie existait depuis plus longtemps que ce que les symptômes amenaient à croire –, des antécédents de fumeur, des beuveries périodiques, et aucun exercice physique régulier. Le Dr Wiseman a établi que la santé de l'appelant lui permettait de servir à Shamattawa, en indiquant ce qui suit :

… Je ne crois pas qu'il soit contre-indiqué pour Iui d'accepter une affectation à Shamattawa, pourvu que sa glycémie soit bien contrôlée et qu'il suive son régime pour diabétique, et qu'il ne fasse pas de longues randonnées sans supervision. Je lui ai fortement conseillé d'arrêter de fumer et de s'adonner à des beuveries. Il reviendra me voir dans deux semaines …

[Traduction]

En novembre 1999, le Dr Orr, médecin de famille et agent de services de santé de la GRC, a demandé au Dr Wiseman une évaluation de la surveillance qui était faite du diabète de l'appelant et de l'état de santé de celui-ci. Le Dr Orr a indiqué qu'étant donné que l'appelant n'était pas considéré comme un agent de première ligne, les plus strictes exigences relatives au travail ne s'appliquaient pas à lui. Dans la lettre qu'il a écrite au Dr Orr et qui est datée du 7 février 2000, le Dr Wiseman indique ce qui suit :

  • Il a traité l'appelant pour son diabète depuis le diagnostic de 1992.
  • L'appelant dit n'avoir jamais eu de réaction hypoglycémique, mais un matin de 1998, une glycémie de 1,7, sans perte de conscience, avait été notée.
  • Mis à part quelques microanévrismes diffus constatés par le Dr Harrington, l'appelant ne montrait aucun signe de complications liées à son diabète.
  • L'appelant n'a pas consigné de données touchant la surveillance qu'il faisait à la maison de son diabète, mais a parlé de glycémie entre 5 et 10.
  • Les tests de laboratoire récents ont indiqué une hémoglobine A1c de 8,8 % (normale : de 3,5 à 6 %) et une glycémie au hasard de 7,6.

Le 30 avril 2002, le Dr Orr a rempli un rapport d'examen médical pour les conducteurs atteints d'un diabète traité par injections d'insuline. Le Dr Orr a indiqué que l'appelant :

  • comprenait ce qu'était le diabète et l'importance de l'insuline, d'un bon régime alimentaire et de l'exercice physique;
  • a suivi consciencieusement les directives reçues de son médecin au sujet des mesures à prendre en tant que diabétique;
  • n'a pas vécu d'épisode grave d'hypoglycémie;
  • n'avait pas de difficulté à soigner son diabète à cause de sa consommation d'alcool;
  • n'a pas reçu d'interdiction de conduire à cause de sa neuropathie périphérique, ni à cause de problèmes cardiovasculaires, de rétinopathie ou de problèmes visuels.

Dans la lettre qu'il a écrite à l'appelant et qui est datée du 6 mars 2004, le Dr Prodan indique que la glycémie de l'appelant n'était pas contrôlée de façon idéale, étant donné une hémoglobine A1c récente de 9,1 %.

L'appelant a régulièrement rencontré le Dr Wiseman à la clinique du Manitoba aux fins de suivi, depuis le diagnostic de 1992, et jusqu'à la retraite du Dr Wiseman en 2010. Le Dr Wiseman n'a pas jugé que l'appelant était incapable de servir dans la GRC, ni que ses tâches devaient être modifiées, comme en font état les rapports médicaux préparés durant cette période.

Dans sa brève note datée du 12 novembre 2010, le Dr Wiseman indique ce qui suit (paroles intégrales) :

J'approuve la suggestion de l'appelant selon laquelle la charge de travail et les heures normales de travail liées à son poste dans la Gendarmerie royale du Canada l'ont empêché de contrôler son diabète adéquatement, et que cela a mené à des complications, plus particulièrement à une neuropathie dans ses jambes.

[Traduction]

Depuis la retraite du Dr Wiseman en 2010, l'appelant est suivi par un spécialiste, le Dr Josef Silha. Dans une lettre datée du 16 avril 2012, le Dr Silha indique que bien que le diabète de l'appelant soit traité adéquatement au moyen d'injections d'insuline depuis que le diagnostic a été posé, l'appelant a développé des complications liées à son diabète, plus particulièrement une neuropathie et une rétinopathie diabétique. Le Dr Silha indique que l'appelant n'a pas contrôlé adéquatement sa glycémie pendant son service au sein de la GRC, et ce, pour des facteurs liés à son emploi, et que sa glycémie s'est améliorée depuis qu'il ne sert plus dans la GRC. Le Dr Silha croit que dans l'avenir, l'appelant continuera de souffrir de conséquences des périodes passées où sa glycémie était moins bonne, malgré le contrôle actuel de sa glycémie.

Rétinopathie diabétique

La rétinopathie diabétique de l'appelant a été évaluée par le Dr Harrington le 21 et le 30 avril 1992, ainsi que le 9 juillet 1992. Le Dr Harrington a noté que durant la deuxième visite de l'appelant, l'acuité visuelle de ce dernier était de 20 sur 20, et qu'il pouvait lire des écritures de type N5 avec des lunettes, et qu'à sa troisième visite en juillet, il avait de nouveau une vue normale sans lunettes, étant donné que son diabète était correctement traité. Une vision trouble intermittente a été notée en avril 1993, et l'appelant a été dirigé vers le Dr Harrington pour un examen complet des yeux. En juin 1994, le Dr Harrington a indiqué que l'acuité visuelle de l'oeil droit de l'appelant était moindre sans lunettes, que sa vision de l'oeil gauche était de 20 sur 20 et qu'il avait quelques petits microanévrismes dans les yeux. En décembre 1999, le Dr Harrington a déclaré que la vision de l'appelant, de l'oeil gauche et de l'oeil droit, était de 20/20, sans lunettes, et qu'il mettait seulement des lunettes de lecture pour lire les petites écritures. L'examen réalisé par le Dr Harrington a permis de constater la présence d'environ trois petits microanévrismes diffus attribuables au diabète. Le Dr Harrington était d'avis qu'il n'y aurait pas prolifération de l'affection dans l'oeil de l'appelant et qu'il n'y avait pas lieu de s'alarmer.

En août 2001, un médecin spécialiste, le Dr Leicht, a indiqué que la vision de l'appelant sans lunettes était de 20 sur 20, des deux yeux, et qu'il portait occasionnellement des lunettes de lecture. Le Dr Leicht a noté que le Dr Harrington avait constaté quelques microanévrismes en 1999, mais que pour sa part, il n'a constaté aucun changement important au cours de son examen. Il a conclu que l'appelant avait présenté très peu de signes de rétinopathie dans le passé.

Neuropathie périphérique

Un engourdissement du pied droit de l'appelant a été noté pour la première fois en septembre 1992. Ensuite, dans son dossier, il n'est fait état d'aucune plainte ni d'aucun problème se rattachant à ses pieds jusqu'en février 2008. Ce mois-là, le Dr Christopher Bourque, neurologiste, a indiqué que l'appelant n'avait pas de problèmes neurologiques importants, mis à part un engourdissement du pied gauche, depuis 1992. Il a écrit qu'il fallait s'attendre à faire cette constatation physique.

Test de glycémie

Au moment du diagnostic de 1992, juste avant son affectation à Shamattawa, une glycémie au hasard a été effectuée, et les résultats ont été de 22,5%. Aucune autre glycémie d'avant son affectation à Shamattawa n'est consignée. Même si les décisions précédentes, y compris la décision de la Cour fédérale, indiquent une glycémie de 4,85 avant l'affectation à Shamattawa, il s'agit d'une erreur : ce chiffre est le coût du test de glycémie, et non son résultat. Dans sa lettre de 2012, le Dr Silha résume le contrôle de la glycémie de l'appelant. Il indique que l'hémoglobine A1c initiale de l'appelant, mesurée en avril 1992, était de 11,6 % (la limite supérieure de la normale étant de 6 %), et que les tests postérieurs de juillet 1992 et de novembre 2010 avaient donné des résultats entre 8 % et 10,2 %. Le Dr Silha indique que depuis que l'appelant ne sert plus dans le GRC, il a le temps de prévoir ses injections d'insuline comme il se doit et a une bonne alimentation, comprenant notamment une juste proportion de glucides; il ajoute que l'hémoglobine A1c de l'appelant s'est améliorée et est désormais de 7 %.

Déclarations des témoins

L'appelant a présenté douze déclarations sous serment d'agents de la GRC qui ont également travaillé dans le cadre du programme des représentants des relations fonctionnelles. Ces déclarations sous serment donnent une description de la nature du travail des RDRF. Voici un résumé :

  • En moyenne, les RDRF travaillent entre 10 et 14 heures par jour, et répondent à des appels urgents en dehors de leurs heures de travail.
  • Ils doivent souvent se déplacer et sauter des repas ou manger à des heures irrégulières.
  • Les exigences professionnelles et le milieu de travail de l'appelant l'ont amené à sauter des repas et à manger des aliments vides, et l'ont empêché de suivre une routine de surveillance de sa glycémie et d'injection d'insuline.

L'avocate reconnaît que la cause du diabète de type 1 est inconnue et qu'il y a plusieurs facteurs non liés au service de l'appelant dans la GRC qui pourraient être considérés comme des facteurs ayant aggravé son diabète, notamment les facteurs personnels liés à sa consommation de cigarettes et d'alcool. Elle reconnaît également qu'une seule glycémie d'avant l'affectation de l'appelant à Shamattawa est consignée, et que le 4,85 en question est en fait le coût du test de glycémie, et non son résultat.

L'avocate a suggéré un droit à pension de l'ordre de trois cinquièmes en raison d'un facteur aggravant majeur, après avoir établi que les exigences professionnelles et le milieu de travail de l'appelant dans la GRC ont aggravé son diabète de façon permanente, en se fondant sur ce qui suit :

  • le témoignage et les déclarations de l'appelant, qui sont corroborés par les déclarations des témoins qui ont été versées au dossier et qui montrent que les conditions liées à son travail dans la GRC ont empêché l'appelant de contrôler adéquatement sa glycémie;
  • la preuve médicale versée au dossier qui démontre que l'appelant n'a pas contrôlé adéquatement sa glycémie, entre le moment où le diagnostic de diabète a été rendu et son départ de la GRC;
  • les avis médicaux non contredits du Dr Wiseman et du Dr Silha qui ont traité l'appelant pour son diabète pendant sa carrière à la GRC, qui montrent que ses tâches et ses affectations au sein de la GRC ont aggravé son diabète de façon permanente.

L'avocate reconnaît que le Tribunal peut se prévaloir de l'article 38 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) et obtenir un avis médical indépendant pour évaluer la déclaration de l'appelant, selon laquelle son diabète s'est aggravé de façon permanente à cause de facteurs liés à son travail dans la GRC. Toutefois, elle estime que les éléments de preuve médicale crédibles provenant du Dr Wiseman et du Dr Silha permettent d'établir que des facteurs liés au travail de l'appelant dans la GRC ont joué un rôle dans l'aggravation de son diabète, et qu'un avis médical indépendant n'est pas nécessaire en l'espèce.

D'après l'avocate, l'appelant aurait droit à une rétroactivité maximale de trois ans, aux termes du paragraphe 39(1) de la Loi sur les pensions. En outre, à son avis, l'appelant aurait droit à un montant supplémentaire, aux termes du paragraphe 39(2) de la même loi, en raison des retards administratifs indépendants de sa volonté, à compter de la date d'entrée en vigueur du droit à pension, soit le 9 août 2010.

ANALYSE/RAISONS

Le comité a révisé tous les éléments de preuve qu'il avait en main et a pris en considération les arguments avancés par l'avocate. Ce faisant, le comité a respecté les dispositions de l'article 39 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), selon lesquelles le Tribunal doit appliquer à l'égard de l'appelant les règles ci-dessous en matière de preuve :

  • a) il tire des circonstances et des éléments de preuve qui lui sont présentés les conclusions les plus favorables possible à celui-ci;
  • b) il accepte tout élément de preuve non contredit que lui présente celui-ci et qui lui semble vraisemblable en l'occurrence;
  • c) il tranche en sa faveur toute incertitude quant au bien-fondé de la demande.

Cela signifie que le comité doit examiner les éléments de preuve sous le jour étant le plus favorable possible à l'appelant et trancher toute incertitude en sa faveur. La Cour fédérale a toutefois confirmé que cette Loi n'enlève pas à l'appelant son fardeau d'exposer les faits requis pour prouver que son affection est liée à son service. Le Tribunal n'est pas tenu d'accepter tous les éléments de preuve que lui présente un appelant s'il les juge non crédibles, et ce, même s'ils ne sont pas contredits.1

Tout d'abord, le comité souhaite se pencher sur certaines des questions de preuve qui ont été soulevées en l'espèce et qui, pour certaines, ont amené M. le juge Russell à casser la décision précédente du TACRA :

  1. Au moment du diagnostic d'avril 1992, l'hémoglobine A1c de l'appelant était bien en haut de la normale (6 %), soit de 11,6, comme le Dr Silha l'a indiqué. Aucun élément de preuve ne démontre que l'hémoglobine de l'appelant est redevenue normale avant son affectation à Shamattawa. Le chiffre de 4,85 présenté dans la décision de la Cour fédérale est en fait le coût de la glycémie en laboratoire, et non son résultat. De 1992 jusqu'à sa retraite, l'appelant a toujours présenté une glycémie plus élevée que ce qui est recommandé par les médecins pour assurer un contrôle optimal de la glycémie; la glycémie de l'appelant a toujours oscillé entre 8 % et 10,2 %, puis s'est améliorée après sa retraite (7 %).
  2. Le comité admet qu'à cause des circonstances liées à ses tâches et à ses affectations dans la GRC, de 1992 jusqu'à sa retraite, l'appelant a dû faire de longues journées de travail et travailler selon un horaire irrégulier, ce qui l'a parfois empêché de suivre sa routine quotidienne de surveillance de sa glycémie et d'injection d'insuline.
  3. Les déclarations des témoins (anciens collègues de l'appelant ayant travaillé comme RDRF) corroborent le témoignage et les déclarations de l'appelant selon lesquels il a eu de la difficulté à suivre sa routine de surveillance de sa glycémie et d'injection d'insuline à cause de son service en tant que RDRF. Toutefois, on ne peut accorder beaucoup de poids à cette preuve pour ce qui est de démontrer que le diabète de l'appelant s'est aggravé en raison de facteurs liés à son travail. Bien que ces témoins aient les compétences nécessaires pour parler de questions de fait se rattachant à leurs connaissances, ils ne peuvent pas se prononcer sur des questions médicales, soit sur la cause de troubles médicaux; ce sont les experts en médecine qui peuvent ce prononcer à cet égard, et c'est au comité d'établir si la preuve médicale est crédible et suffisante.
  4. Au moment du diagnostic de 1992, le mode de vie de l'appelant comptait plusieurs facteurs de risque relativement à son diabète. Par exemple, comme l'a noté le Dr Wiseman, l'appelant faisait peu d'exercice physique, fumait des cigarettes et s'adonnait à des beuveries.
  5. Au moment du diagnostic de 1992, des complications avaient été notées, soit une rétinopathie et une neuropathie, et ces complications ne se sont pas vraiment aggravées pendant son service dans la GRC, selon les médecins spécialistes Harrington, Leicht et Bourque.

Maintenant que le comité a tiré ces conclusions, il lui reste une question à trancher : la preuve médicale présentée par l'appelant permet-elle de conclure que son diabète de type 1 est consécutive ou est rattachée directement à son service au sein de la GRC aux termes du paragraphe 21(2) de la Loi sur les pensions?

Aux termes du paragraphe 21(2.1) de la Loi sur les pensions, le droit à pension se calcule en cinquièmes, selon la portion de l'invalidité pouvant directement être associée au service dans la GRC. Lorsque l'invalidité est entièrement attribuable au service, la personne a droit à la pension en entier ou à cinq cinquièmes de la pension. En l'espèce, l'appelant n'allègue pas que son diabète a été causé par son service dans la GRC, et son avocate a reconnu que le diabète peut être héréditaire, et que sa cause exacte est inconnue. Toutefois, d'après l'avocate, la preuve démontre que le diabète de l'appelant s'est aggravé de façon permanente à cause de son incapacité de gérer sa glycémie adéquatement après le premier diagnostic de 1992, et que le facteur aggravant est majeur et donne droit à une pension de l'ordre de trois cinquièmes.

Le comité a évalué minutieusement la preuve et a étudié les observations de l'avocate. Il a évalué la preuve comme un tout et sous le jour le plus favorable, comme il doit le faire, et il estime qu'il est raisonnable de conclure que le diabète de type 1 de l'appelant s'est aggravé de façon permanente en raison de son service dans la GRC. Pour ce qui est de l'ampleur du rôle des divers facteurs – soit de ceux liés à son service dans la GRC et de ceux ne s'y rattachant pas – dans l'invalidité de l'appelant découlant de son diabète, le comité estime raisonnable de conclure que les tâches de l'appelant dans la GRC ont contribué à un faible degré à l'aggravation permanente de son diabète, ce qui donnerait droit à une pension de l'ordre de un cinquième (1/5). Le comité estime que quatre cinquièmes (4/5) de l'invalidité de l'appelant liée à son diabète sont attribuables à des facteurs ne se rattachant pas à son service dans le GRC, soit à ce qui suit : un diagnostic de maladie constitutionnelle impliquant une prédisposition héréditaire, des facteurs liés à son mode de vie personnel (cigarettes, alcool et manque d'exercice physique) et la présence de complications avant que les facteurs liés au travail dans la GRC n'entrent en jeu, entre 1992 et sa retraite. Le comité est arrivé à cette conclusion pour les raisons suivantes :

  • Comme l'a reconnu l'avocate, le service de l'appelant dans la GRC n'est pas à l'origine de son diabète : la cause de l'affection est inconnue, et il y a beaucoup de cas de diabète dans la famille de l'appelant.
  • Lorsque le diagnostic de diabète a été posé en 1992, le mode de vie de l'appelant présentait plusieurs facteurs pouvant aggraver son diabète : il fumait des cigarettes, consommait de l'alcool et ne faisait pas beaucoup d'exercice physique. Ces facteurs existaient avant ses affectations au sein de la GRC de 1992 jusqu'à sa retraite. Après le diagnostic de son diabète, l'appelant a continué de fumer des cigarettes et de consommer de l'alcool et n'a pas commencé à faire davantage d'exercice physique. En conséquence, le comité juge raisonnable de conclure que des facteurs liés au mode de vie personnel de l'appelant ont aggravé son diabète.
  • Lorsque le premier diagnostic de diabète a été posé en 1992, l'appelant souffrait déjà de complications du diabète, comme l'ont noté les Drs Wiseman, Harrington, Leicht et Bourque. Au dossier, il n'y a aucun élément de preuve médicale objectif démontrant que ces complications se sont beaucoup aggravées pendant son service dans la GRC. Toutefois, le comité juge raisonnable de conclure que le diabète de l'appelant s'est aggravé, au moins à un faible degré, parce que celui-ci ne pouvait pas gérer sa glycémie dans son milieu de travail à la GRC, comme l'a expliqué son médecin traitant, le Dr Silha.
  • Les éléments de preuve médicale, tout spécialement ceux présentés par les Drs Wiseman et Silha, indiquent que l'appelant ne pouvait pas gérer sa glycémie adéquatement, et que cela a aggravé son diabète, en créant des complications, notamment une rétinopathie et une neuropathie.
  • La preuve montre qu'à la fois des facteurs liés à son service dans la GRC (horaire de travail exigeant et irrégulier) et des facteurs liés à son mode de vie personnel (cigarettes, alcool et manque d'exercice physique) ont eu une incidence sur la capacité de l'appelant de maintenir une bonne glycémie.

Aux termes de l'article 39 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), le Tribunal doit tirer, en fonction des circonstances et des éléments de preuve, toutes les conclusions les plus favorables à l'appelant possible. Toutefois, l'appelant a également une obligation, soit celle de présenter une preuve satisfaisante permettant de tirer les conclusions en question. Le comité ne peut tirer une conclusion favorable à l'appelant que s'il est saisi d'éléments de preuve étayant raisonnablement ou démontrant cette conclusion. En l'espèce, les éléments de preuve permettent au comité de conclure que le service de l'appelant dans la GRC a aggravé son diabète de type 1 à un faible degré, mais pas que son service dans la GRC a contribué dans une plus grande mesure à l'aggravation permanente de son diabète de type 1.

Le Tribunal accordera une compensation supplémentaire équivalant à cinq mois et cinq jours, aux termes du paragraphe 39(2) de la Loi sur les pensions, en raison du temps qu'il a fallu avant que l'affaire soit instruite par la Cour fédérale. Étant donné que la date de la demande liée à l'affection est le 9 août 2010, la compensation supplémentaire ne sera pas attribuée en fonction d'une date antérieure. Le montant supplémentaire possible est pour la période allant du 4 janvier 2011 au jour de la présentation de la demande (9 août 2010), ce qui équivaut à 5 mois et 5 jours.

DATE D'ENTRÉE EN VIGUEUR DE LA RÉTROACTIVITÉ

L'appelant a fait une première demande de pension pour son affection de diabète type 1 plus de trois ans avant la date de la présente décision en date du 9 août 2010. Le présent Tribunal lui accorde donc un droit à pension à compter du 14 janvier 2011, en vertu du paragraphe 39(1) de la Loi sur les pensions. Ce paragraphe permet le paiement d'une pension qui prend effet à partir de la dernière des deux dates suivantes : date de la présentation initiale de la demande ou une date précédant de trois ans celle à laquelle la pension a été accordée au pensionné. La date de la demande pour un droit à pension précède de trois ans celle à laquelle la pension est accordée. De plus, il y a un élément de preuve qui justifie une compensation en vertu du paragraphe 39(2) de la Loi sur les pensions2. Le Tribunal accorde une compensation supplémentaire de cinq mois et cinq jours, en vertu du paragraphe 39(2) de la Loi sur les pensions, pour tenir compte des délais en attente que sa cause soit entendue par la Cour fédérale.

Lois pertinentes :

Loi sur les pensions. [S.R.C. 1970, ch. P-7, art. 1; L.R.C. 1985, ch. P-6, art. 1.]

article 2
paragraphe 21(2)
article 39

Loi sur la pension de retraite de la Gendarmerie royale du Canada. [S.R.C. 1970, ch. R 11, art.1; L.R.C. 1985, ch. R 11, art.1.]

article 32

Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel). [S.C. 1987, ch. 25, art. 1; L.R.C. 1985, ch. 20 (3e suppl.), art. 1; L.C. 1994-95, ch. 18, art. 1; TR/95-108.]

article 3
article 25
article 39

__________________

1. MacDonald c. Canada (Procureur général) 1999, 164 F.T.R. 42, paragraphes 22 et 29; Canada (Procureur général) c. Wannamaker 2007 CAF 126, paragraphes 5 et 6; Rioux c. Canada (Procureur général) 2008 CF 991, paragraphe 32.

2. Rivard c. Canada (Procureur général), 2003 FCT 1490

MOTIFS DE DISSIDENCE

J'ai examiné l'ensemble du dossier et les soumissions de la représentante de l'appelant, et mes collègues et moi avons délibéré sur le fond de l'affaire. Pour les motifs suivants, je n'accorderais pas de pension d'invalidité à l'appelant.

Diabète type 1

Ce genre de diabète a une cause inconnue (sauf dans les cas de blessures ou de maladies affectant le fonctionnement du pancréas). Ainsi, il serait impossible d'établir que l'appelant a droit à pension parce que son affection est causée par son service dans la GRC.

Cela dit, je constate que la représentante de l'appelant n'alléguait pas que l'affection était entièrement causée par le service dans la GRC, et qu'elle demandait plutôt une pension de l'ordre de trois cinquièmes (3/5), pour un facteur aggravant majeur, étant donné qu'elle reconnaissait que l'invalidité découlait de facteurs multiples.

La majorité accorde une pension de l'ordre de un cinquième (1/5) pour une aggravation, aux termes du paragraphe 21(2.1) de la Loi sur les pensions. Bien que je comprenne les motifs derrière cette conclusion, je conclurais que l'appelant n'a pas démontré que son employeur était responsable de un cinquième (1/5) de son degré total d'invalidité, en comparant l'importance des facteurs liés à son emploi à celle des multiples facteurs ne s'y rattachant pas.

Questions en litige

J'estime que deux questions doivent être tranchées :

  1. Une aggravation permanente du diabète de type 1 de l'appelant, depuis le diagnostic de 1992, peut-elle être démontrée?
  2. S'il y a eu aggravation permanente de l'affection, est-ce que l'une des raisons de cette aggravation pourrait avoir un lien direct avec le service de l'appelant dans la GRC, ou avoir inévitablement découlé de celui-ci, malgré les autres facteurs sur lesquels l'appelant avait un pouvoir?

Aggravation permanente

Un examen des dossiers médicaux de l'appelant montre que le premier diagnostic a été posé au printemps 1992, juste avant son affectation à Shamattawa au Manitoba, qui était prévue et qui était d'une durée de deux ans. Cet examen a été fait par le Dr Wiseman (pages 15 et 16), qui a établi que l'appelant ne devrait pas être exposé à des risques élevés de complications liées au diabète « pourvu que sa glycémie soit bien contrôlée et qu'il suive son régime pour diabétique » [traduction]. Le Dr Wiseman a également recommandé à l'appelant d'arrêter de fumer des cigarettes et de mettre fin à ses beuveries périodiques.

Après son affectation à Shamattawa, l'appelant est retourné à Winnipeg à plusieurs occasions pour des consultations. En 1994, lorsque son affectation à Shamattawa a pris fin, il est retourné en ville, où il avait accès au système de santé.

Les deux symptômes apparents qui ont suscité l'attention des médecins au moment du premier diagnostic de 1992 étaient la neuropathie périphérique et la rétinopathie diabétique – qui sont des complications bien connues du diabète. Au moment du premier diagnostic, le Dr Wiseman a remarqué un microanévrisme dans le fond de l'oeil (rétine) gauche, qui, d'après lui, démontrait que l'appelant faisait du diabète depuis plus longtemps que les symptômes ne le laissaient croire (page 16). À ce moment-là, mis à part un engourdissement occasionnel aux doigts et aux orteils, le Dr Wiseman n'a pu cerner aucun autre signe objectif de neuropathie. En outre, les tests de vibration pour les pieds n'ont donné aucun résultat anormal.

Quelques années plus tard, à la fin de 1999, le Dr Harrington a indiqué que l'appelant avait dans les yeux environ trois petits microanévrismes diffus attribuables au diabète, mais qu'il ne s'agissait certainement pas d'une affectation qui allait proliférer, et qu'il n'y avait alors aucune raison de s'en alarmer pour le moment (page 32).

Le 24 août 2001, le Dr Leicht a noté les constatations faites par le Dr Harrington en 1999 et a indiqué qu'il ne voyait pas de changements considérables à ce moment-là (page 35). Il a conclu le tout en indiquant que l'appelant avait peu d'antécédents de rétinopathie diabétique.

Plus de six ans plus tard, le 13 février 2008, le Dr Bourque a écrit le commentaire suivant : « Il n'a pas d'affections neurologiques importantes, mis à part quelques engourdissements touchant notamment son pied gauche, sans doute en lien avec son diabète, une affection dont il est atteint depuis1992 (page 52) » [traduction]. Dans le cadre de son examen, le Dr Bourque a constaté une rétinopathie diabétique bilatérale mineure.

L'appelant a continué de se présenter à ses consultations à la clinique du Manitoba pendant cette période, et je remarque ici, dans une lettre datée de 2012 présentée à ce comité d'appel comme élément de preuve, un résumé détaillé de l'évolution de la glycémie de l'appelant, selon des tests effectués par le Dr Silha (page 125).

L'hémoglobine A1c de l'appelant – soit une moyenne mobile de glycémie pour trois mois – était de 11,6 % en 1992 et, à partir de ce moment, a oscillé entre 8 et 11 %, jusqu'en octobre 2011. Dans l'année qui a précédé le rapport, le Dr Silha a noté une chute de 9,6 % à 7%, qu'il a attribuée à la capacité de l'appelant de suivre un horaire adéquat pour ses injections d'insuline et d'avoir une bonne alimentation, comprenant notamment une juste quantité de glucides.

Ensuite, le Dr Silha conclut que le travail exigeant de l'appelant a empêché celui-ci de contrôler son diabète de façon optimale. Il mentionne également les effets à long terme d'un contrôle inadéquat de la glycémie, et explique que même si un diabétique reprend une situation en main en surveillant sa glycémie correctement, son comportement passé aura des effets sur l'évolution de son affection.

Toutefois, lorsque je lis chaque déclaration attentivement, je remarque que le Dr Silha n'a pas précisé si les problèmes d'horaire et d'alimentation énoncés ont joué un rôle dans l'évolution clinique de l'affection de l'appelant au cours des 20 dernières années.

Pour ma part, je conclurais qu'il n'a pas été démontré que le diabète de type 1 de l'appelant s'est aggravé de façon permanente de 1992 jusqu'à aujourd'hui. Les résultats des tests d'hémoglobine A1c de l'appelant sont demeurés semblables, pour la plupart – même s'ils étaient au-dessus de la normale. Très récemment, ces résultats se sont améliorés, d'après le Dr Silha.

En outre, il est impossible de démontrer une aggravation permanente du diabète de l'appelant en examinant des complications comme sa rétinopathie ou sa neuropathie, car ces symptômes n'ont pas empiré, s'ils ne se sont pas améliorés, pendant cette période.

Ainsi, je conclurais que la maladie métabolique de base de l'appelant ne semble pas être plus grave aujourd'hui qu'elle ne l'était au moment du diagnostic de 1992.

Cela dit, aux fins de mon analyse du lien entre le service de l'appelant dans la GRC et son affection, je présumerai qu'il y a eu aggravation, même si cette aggravation n'est qu'une prévision du Dr Silha – qui a indiqué que le contrôle inadéquat de sa glycémie par le passé se répercuterait dans l'avenir.

Lien avec le service dans la GRC

Ici, la véritable question à examiner est le critère du facteur déterminant (critère « et si »).

Et si l'appelant n'avait pas servi dans la GRC, son diabète serait-il moindre qu'aujourd'hui?

En d'autres mots, si l'appelant avait eu un autre emploi (à l'extérieur de la GRC), l'évolution clinique de son diabète aurait-elle était notablement différente pour la période allant de 1992 à aujourd'hui? Ou, dans le même ordre d'idées, y a-t-il au moins un facteur lié au travail dont il faut tenir compte, ou le diabète de l'appelant ne se serait-il pas aggravé de toute façon, avec le temps?

Malgré les observations valables de la représentante de l'appelant, tout comme mes collègues, je conclurais que quatre cinquièmes (4/5) du diabète de l'appelant devraient exclusivement être attribués à des facteurs naturels. Il y a beaucoup de cas de diabète dans sa famille, et son diabète n'est pas acquis.

Ainsi, cela laisse un cinquième (1/5) de la maladie qui aurait raisonnablement pu évoluer au fil du temps; il s'agit du cinquième (1/5) auquel je dois réfléchir dans le cadre de ma décision.

Le comité de révision a examiné le témoignage de l'appelant et a jugé que beaucoup de questions restaient sans réponse, et tous ces doutes ne peuvent être tranchés en faveur de l'appelant. Le comité a présenté des constations claires liées à la crédibilité. Son analyse a déjà été versée au dossier (pages 79 à 82) et ne sera pas exposée ici.

Pour finir, le comité a conclu que le contrôle inadéquat de la glycémie était attribuable à l'appelant, et non à la GRC. Il a établi que l'appelant ne s'était pas investi sérieusement dans le traitement de son affection durant la période en cause, et que son travail ne l'aurait pas vraiment empêché de contrôler sa glycémie, s'il avait voulu le faire.

Le comité de révision a présenté une analyse détaillée, en abordant chaque point soulevé par l'appelant, et a traité de tous les éléments de la demande de celui-ci. En outre, le comité a tiré des conclusions relatives à la crédibilité, que je serais très réticent à ignorer en appel. De toute évidence, le comité n'est pas d'avis que l'appelant prenait suffisamment soin de sa santé pendant la période en cause.

Même s'il serait raisonnable de conclure qu'à certaines occasions, l'appelant a pu temporairement être incapable de contrôler sa glycémie à cause d'une tâche précise, aucun élément de preuve présenté ne démontre qu'il s'agissait d'un problème important et récurrent, vécu pendant plusieurs dizaines d'années. Étant donné la faible mesure dans laquelle le cours naturel des choses aurait pu être modifié à cause d'un facteur, il ne reste que la plus petite « sous-portion »de ce un cinquième (1/5) qui ne découlerait pas seulement des choix personnels de l'appelant (soins de santé, régime alimentaire, degré d'exercice physique, consommation de cigarettes, etc.).

Étant donné les facteurs de risque variables, comme ils ont d'abord été cernés par le Dr Wiseman, et étant donné les commentaires versés au dossier touchant les choix de vie de l'appelant, il est impossible – à mon avis – qu'une portion suffisante de ce un cinquième (1/5) puisse donner droit à pension.

De toute évidence, quatre cinquièmes (4/5) n'ont aucun lien avec les facteurs environnementaux, et ma conclusion est que la majeure partie du un cinquième (1/5) restant est attribuable aux choix personnels de l'appelant.

Je ne suis saisi d'aucune preuve médicale, opinion ou déclaration qui éclaire véritablement sur le « et si ». Pour que je puisse accorder même un cinquième (1/5), il faudrait que j'aie vu un rapport tranchant clairement la question de savoir si, du point de vue clinique, l'appelant serait dans une meilleure situation par rapport à son diabète de type 1 s'il n'avait pas servi dans la GRC.

En l'absence d'une telle analyse, je n'accorderais aucun montant de pension d'invalidité à l'appelant.

  Copie originale signée par :
Motifs présentés par : ______________________
  Brent Taylor