Dr. Bhan - Avis Médical Indépendant

État Sclérose en plaques – Stress, syndrome de stress post-traumatique et mauvaise gestion médicale
Date de production 21 novembre 2011
Nom du médecin Dr Virender Bhan, MBBS, FRCPC

La présente est en réponse à votre lettre datée du 5 août 2011 sollicitant un avis médical indépendant.

Je voudrais dire tout d’abord que je suis un neurologue diplômé d’un programme agréé par le Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada et que je possède la certification nécessaire pour pratiquer en Nouvelle Écosse. Je suis également professeur agrégé au département de médecine (division de neurologie) et directeur du programme de résidence en neurologie de l’Université Dalhousie. Depuis juillet 2003, je suis aussi directeur de l’Unité de recherche sur la sclérose en plaques de Dalhousie, à Halifax. Notre clinique de sclérose en plaques (SP), ainsi que sa clinique satellite à Sydney au Cap-Breton, fournit des soins à la quasi-totalité des patients atteints de SP en Nouvelle Écosse. J’assure personnellement le suivi de près de 1 000 patients qui en sont atteints.

Aux fins de cet avis médical indépendant, j’ai examiné tous les renseignements qui m’ont été transmis par votre département. Cela comprend ce qui suit :

  • Des lettres de consultation provenant de divers spécialistes ayant participé au traitement de la maladie de l’appelant qui est apparue en août 1998;
  • Des lettres et notes manuscrites de divers médecins ayant participé au traitement de la maladie à partir de juin 2000 (période qui coïncide avec l’apparition de symptômes neurologiques chez l’appelant);
  • La correspondance entre Anciens Combattants Canada, l’appelant et son avocat;
  • Tous les documents relatifs au Tribunal des anciens combattants (révision et appel).

J’ai également révisé la documentation scientifique pertinente à l’élaboration de ce rapport.

A) Examen des évaluations médicales de l’appelant de 1998 à juin 2000, avec les points saillants notés.

Il semble que les problèmes de l’appelant aient débuté le 3 août 1998. Plus tôt ce jour-là, il participait à un tournoi de golf de bienfaisance et se sentait bien. Un peu plus tard, en soirée, il a commencé à ressentir une profonde fatigue, une douleur diffuse, il présentait de la toux, de la nausée et se plaignait d’une douleur à l’oreille droite. Un médecin militaire l’a examiné le 10 août et a conclu qu’il semblait atteint d’une infection virale des voies aériennes supérieures.

L’appelant a été réexaminé le 1er septembre 1998. À cette date, il affirmait que les symptômes s’étaient aggravés et qu’il avait perdu du poids. L’examen n’a rien révélé d’anormal. Des analyses de sang ont été effectuées et l’appelant a été dirigé vers le Dr Wayne Poon (spécialiste en médecine interne). Ces analyses ont eu lieu le 29 septembre 1998 et selon la lettre de consultation rédigée par le Dr Poon, les symptômes correspondaient à ceux décrits précédemment. L’examen physique a révélé un « homme d’apparence plutôt fatiguée ». L’examen neurologique était normal. Une légère douleur abdominale à la pression a été notée. Le reste de l’examen physique était normal. Les tests en laboratoire ont démontré une vitesse de sédimentation érythrocytaire (VS) constamment élevée allant de 65 à 94 mm/h. Une légère anémie a également été décelée. Les tests visant à déceler le cytomégalovirus (CMV), l’immunoglobuline M (IgM) et la mononucléose ainsi que les frottis pour relever la malaria se sont tous avérés négatifs. L’analyse des urines a également donné des résultats normaux. Selon le Dr Poon : « Une VS constamment élevée soulève des inquiétudes quant à la présence possible d’une infection chronique, comme une endocardite bactérienne, une ostéomyélite ou une infection occulte. » Il a demandé à ce que des examens complémentaires soient effectués dont des hémocultures et une scintigraphie au gallium. Il a ensuite dirigé l’appelant vers son collègue à la clinique (le Dr Tom Aldor, un autre spécialiste en médecine interne). Le Dr Aldor a rencontré l’appelant le 18 décembre 1998, il a alors fait l’historique complet du patient ainsi qu’un examen physique. Il a aussi procédé à une sigmoïdoscopie qui n’a rien révélé d’anormal. Encore une fois, les signes semblaient pointer vers une « maladie inflammatoire », mais la région anatomique de cette infection demeurait imprécise. Des examens complémentaires ont été planifiés.

Suivi du 6 janvier 1999 : « Fatigue toujours présente, le patient a de la difficulté à demeurer éveillé » et une douleur abdominale à la pression est ressentie. Le patient souffre toujours de quintes de toux qui entraînent des vomissements. Une perte de poids significative a été mentionnée. L’examen était apparemment normal. Une tomodensitométrie de l’abdomen n’a rien révélé d’anormal. 22 janvier 1999, suivi avec le Dr Aldor : L’appelant rapportait se sentir un peu mieux. À ce stade, le Dr Aldor et le Dr Poon ont décidé de diriger l’appelant vers un spécialiste des maladies infectieuses.

Le Dr John Embil (spécialiste des maladies infectieuses) a procédé à un examen complet du patient et comme il le déclare dans une lettre datée du 18 mars 1999 : « Le problème de l’appelant demeure inconnu. De nombreuses sérologies ont été effectuées et ont toutes donné des résultats négatifs particulièrement l’IgG de la toxoplasmose, le VDRL, l’IgM de la chlamydia, de l’adénovirus, de la grippe A, de la grippe B et du CMV. » Il a cependant rapporté que le niveau d’immunoglobulines G (IgG) du virus d’Epstein-Barr (VEB) était élevé, signe d’une infection antérieure par ce virus. Après réévaluation, il indique la présence de tous les « points de fibromyalgie douloureux ». À ce titre, il a été dirigé vers le Dr Glen Thompson (rhumatologue).

Selon l’avis du Dr Thompson, il s’agissait peut-être de fibromyalgie ou du syndrome des jambes sans repos. Il a noté une légère perte de sensibilité vibratoire dans la partie distale de la cheville, compatible avec une neuropathie périphérique. Il a recommandé un traitement (physiothérapie, exercices et médication pour le syndrome des jambes sans repos).

Note datée du 4 mars 1999 rédigée par le Dr Chris O’Connor (boursier en médecine respiratoire) : « D’après les symptômes respiratoires de l’appelant, il présente probablement un élément d’affection respiratoire réactionnelle légère. Des examens ont été faits, mais aucune anomalie significative n’a été décelée. »

Le 16 mars 1999, l’appelant a été examiné par le Dr L.E. Nicolle (un autre spécialiste des maladies infectieuses) afin d’obtenir un deuxième avis du Dr Embil. Le Dr Nicolle s’est d’abord interrogé sur la dengue. Cependant, il n’a pu confirmer ce diagnostic. Il a dirigé l’appelant vers un hépatologue (un spécialiste des maladies du foie), en raison des niveaux élevés de phosphatase alcaline décelés dans le sérum.

14 avril 1999, consultation avec le Dr G.Y. Minuk (médecin consultant en maladies du foie) : Il s’est interrogé sur la cholangite sclérosante primitive et a procédé à des examens complets qui se sont avérés négatifs. Aucun diagnostic de maladie du foie n’a donc été confirmé. Cependant, une scintigraphie osseuse a révélé certaines anomalies, le Dr Minuk a donc dirigé l’appelant vers un oncologue médical.

Dr J.B. Johnston (oncologue) : Ce rendez-vous a eu lieu le 19 avril 1999. Selon l’avis de l’oncologue, « L’appelant est un homme de 40 ans ayant des sueurs nocturnes, présentant un amaigrissement et éprouvant de la fatigue. Ses examens ont permis de relever une VS constamment élevée et certaines anomalies sur le plan des niveaux de phosphatase alcaline. Récemment, l’appelant a subi une scintigraphie osseuse qui a révélé certaines anomalies. Nous sommes d’accord que des analyses hématologiques sont nécessaires, car certaines formes de leucémie peuvent se présenter de cette façon. L’appelant retournera à la clinique de la Fondation du cancer après que la ponction de la moelle osseuse et la biopsie auront été effectuées. » Les examens étaient tous normaux et le Dr Johnston a écrit ce qui suit dans sa note datée du 10 mai 1999 : « En résumé, j’ai le regret d’annoncer que les analyses de la moelle osseuse que nous avons effectuées n’ont révélé aucun signe de syndrome lymphoprolifératif ou d’une autre maladie hématologique qui pourrait expliquer les symptômes de ce patient. »

Le 11 juin 1999, l’appelant a subi une évaluation neurologique effectuée par le Dr W.K. Ilse. Le patient a été dirigé par le rhumatologue (Dr Thompson) qui avait détecté certaines anomalies pouvant laisser croire à une « neuropathie ». Le Dr Ilse a fait un résumé des symptômes de l’appelant. Voici les données négatives pertinentes mentionnées : l’appelant dit ne pas avoir de symptômes sensoriels, il n’a eu aucune perturbation des sphincters, aucun trouble visuel ou oculaire, ni aucun autre symptôme bulbaire. Son équilibre est normal et il ne présente aucun trouble de l’audition. Il n’éprouve aucun déficit cognitif, aucune confusion mentale ou perte de conscience. L’examen neurologique était essentiellement normal. Il est mentionné que « les pupilles sont égales et réactives, le champ visuel est complet, sans extinction, les mouvements oculaires sont complets et normaux, sans nystagmus. La puissance des muscles servant à la mastication et de ceux permettant les expressions faciales est normale, aucune faiblesse des muscles ou protrusion de la langue n’est perçue et le cou ne présente aucune flexion ou extension anormale. Le langage est normal, il n’y a pas de fasciculation ou d’atrophie linguale. La masse musculaire appendiculaire, le tonus et la puissance sont symétriquement normaux pour l’habitus du patient, les réflexes tendineux sont également symétriquement normaux ainsi que ceux des fléchisseurs plantaires. Les modalités sensorielles primaires sont intactes. La posture, la démarche et la coordination sont normales. » Le rapport décrit ensuite les électromyographies (EMG) qui étaient toutes normales. Son analyse : « Comme il a été rapporté, le dépistage par examen électrodiagnostic de ce patient n’a permis d’établir aucune correspondance avec les symptômes qu’il dit ressentir. Aucun élément dans la présentation du patient ou dans ses antécédents médicaux ne suggère un risque de défaut de transmission de la jonction neuromusculaire. Le problème n’a d’ailleurs jamais été soulevé au cours des examens précédents et il n’y a aucune preuve électrodiagnostique d’un tel problème à l’heure actuelle. Comme la fatigue peut parfois avoir des origines centrales, ce patient a dû passer un examen multimodal des potentiels évoqués. Cependant, en l’absence de résultats positifs, pour tous les symptômes autres que ceux rapportés, un important facteur neurologique contributif à l’état du patient sera attendu. » En résumé, le Dr Ilse n’a trouvé aucune preuve de problème neurologique (central ou périphérique) chez l’appelant.

Le 25 juin 1999, une évaluation a été effectuée par le Dr R.J. Warrington (spécialiste des allergies et de l’immunologie clinique). Avis et recommandations : « L’anamnèse complexe et prolongée de ce patient pourrait être reliée à un syndrome viral découlant d’une infection antérieure au VEB ou au CMV. En révisant les récentes notes dans son dossier du Centre des sciences de la santé (CSS), je remarque que le Dr John Embil fait référence à un niveau d’IgG du VEB très élevé. Son diagnostic différentiel mentionne également une maladie du tissu conjonctif. » Le Dr Glen Thompson suit actuellement l’appelant. Le Dr Warrington a confirmé la présence de points de fibromyalgie douloureux lors de l’examen. Le bref examen neurologique effectué était normal.

De juin 1999 à juin 2000, il n’y a aucune note médicale sur l’état de l’appelant. Cependant, dans la note de consultation rédigée par le Dr Christopher Bourque (neurologue) datée du 29 juin 2000, on retrouve une référence à ce sujet. Dans le deuxième paragraphe, il a écrit : « Son état semble s’améliorer graduellement, mais deux ans plus tard, il n’a toujours pas retrouvé le niveau d’énergie qu’il avait avant. »

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B) Mon résumé et mon avis au sujet de la maladie de l’appelant d’août 1998 à juin 2000.

À l’âge de 39 ans, l’appelant a soudainement commencé à éprouver une grande fatigue, un malaise et des douleurs diffuses, de même qu’à avoir des sueurs nocturnes, de la nausée, de la toux avec expectoration et des douleurs abdominales. Il présentait aussi une perte de poids importante. À l’époque, l’examen physique a révélé un jeune homme d’apparence fatiguée présentant des signes vitaux normaux et un examen physique essentiellement normal, sauf pour la présence de points de fibromyalgie douloureux. Au cours des mois suivants, il a été examiné par de nombreux spécialistes (deux internistes, deux spécialistes des maladies infectieuses, un pneumologue, un hépatologue, un rhumatologue, un immunologiste, un oncologue et un neurologue). L’appelant a subi de nombreux examens. Pendant plusieurs mois, sa VS était constamment élevée, mais a fini par se stabiliser. Le niveau d’IgG du VEB était très élevé (signe d’une infection antérieure par le virus). La scintigraphie au gallium et la scintigraphie osseuse ont permis d’obtenir certains résultats non spécifiques. Cependant, à la suite d’évaluations complémentaires par les spécialistes appropriés, ces résultats se sont avérés peu concluants.

Il semble que le consensus était que l’appelant a souffert d’un type de maladie infectieuse ou découlant des suites d’une maladie infectieuse qui s’est prolongée considérablement. Il a fini par souffrir de symptômes de fibromyalgie (sommeil non réparateur, douleurs et points douloureux diffus).

Son état s’est graduellement amélioré jusqu’au point où en juin 2000, il ne présentait plus que quelques problèmes résiduels, dont de la fatigue et un peu de douleur.

À quelques endroits dans la correspondance entre les médecins et les avocats, il est mentionné que « tous les moyens ont été utilisés » pour essayer de trouver la source de la maladie de cet homme. Je suis tout à fait en accord avec cette déclaration.

Il est difficile de savoir ce que le médecin a dit au patient au cours de toutes ses consultations avec les spécialistes. Cependant, il est clair en lisant les notes de l’appelant qu’il était très frustré à l’époque, qu’il avait l’impression de ne pas être pris au sérieux et, par-dessus tout, qu’il craignait pour sa vie. Je peux très bien comprendre ce sentiment, étant donné les spécialités de certains des médecins consultants qu’il a rencontrés (particulièrement l’oncologie médicale). Il est donc probable que ses problèmes de stress aient débuté durant cette période.

Dernière remarque : Dans leurs lettres de consultation, de nombreux spécialistes mentionnent que « l’examen neurologique était normal ». De manière générale, ces médecins consultants auraient effectué un « examen neurologique complet », ce qui, selon moi, indique que sur le plan neurologique, aucune conclusion évidente n’a pu être tirée de ces analyses. Le rhumatologue avait noté une « légère perte de sensibilité vibratoire dans la partie distale de la cheville, compatible avec une neuropathie périphérique ». Il s’agit d’un subtil constat neurologique et ce signe est souvent présent chez les patients atteints de SP. Quelques mois plus tard, cependant, lorsque l’appelant a été examiné par le Dr Ilse (neurologue), l’examen neurologique a été rapporté comme étant normal. Aucune mention n’a été faite au sujet d’une perte de sensibilité vibratoire dans les pieds. À cet effet, j’aurais tendance à exclure la constatation du rhumatologue et à conclure que son examen neurologique était effectivement normal avant l’année 2000.

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C) Examen de la maladie neurologique de l’appelant et des évaluations médicales subséquentes faites à partir de juin 2000.

Vers la mi-juin, alors qu’il participait à une mission en Allemagne, l’appelant a commencé à ressentir un engourdissement du côté gauche du visage, à l’intérieur de la bouche et du côté gauche de la langue. Après quelques jours (le 15 juin 2000), il a demandé une aide médicale et a été examiné par un dentiste local qui, à son tour, a reconnu que les symptômes ressentis par l’appelant pouvaient découler d’un potentiel problème neurologique. Il a alors dirigé le patient vers un neurologue. L’évaluation neurologique a été effectuée le même jour et le rapport indique une « hypoesthésie prononcée dans la distribution du nerf trijumeau, affectant le visage, les parties internes de la bouche et la langue. Diminution du réflexe cornéen. Différence entre les muscles masséters de droite et ceux de gauche. Réflexes des bras et des jambes normaux. Aucune paresthésie ou ataxie. Aucun signe de dysfonctionnement sensoriel à l’exception du nerf trijumeau. » Une tomodensitométrie de la tête avec injection intraveineuse d’une substance de contraste a été effectuée le même jour et n’a rien révélé d’anormal. L’avis du neurologue était que « la cause primaire de la lésion du nerf trijumeau demeure inconnue ». D’autres examens neurologiques incluant des analyses du sang et des liquides (liquide céphalorachidien) sont requis pour établir un diagnostic. Dans son rapport, il ne mentionne pas d’IRM, mais je suis certain que ce type d’examen a été recommandé.

Il y a une note datant du même jour (15 juin 2000), rédigée par un collègue du service (à la base en Allemagne) et destinée au Dr Lee Chapman (médecin militaire à Winnipeg). La note dit : « vous trouverez joints les rapports de tomodensitométrie ainsi que les rapports de l’examen neurologique du sujet, effectués aujourd’hui en Allemagne. Le médecin croit qu’il s’agit d’un problème temporaire qui dure depuis trois mois. Il suggère aussi de procéder à une analyse de son liquide céphalorachidien afin d’éliminer d’autres hypothèses. » En haut de la note, il est écrit « P.-S. – l’appelant doit être examiné par un neurologue dès son retour, la semaine prochaine (si possible par le Dr Thompson). »

L’appelant est ensuite rapatrié au Canada. Le 20 juin 2000, il y a une note rédigée par le Dr Chapman concernant son évaluation de l’appelant. Il est écrit : « Un homme de 41 ans a commencé à ressentir un engourdissement du côté gauche du visage au cours de la nuit du 7 juin 2000. L’affection touche tant la partie supérieure que la partie inférieure du visage et le patient ne présente aucun autre déficit. Puisqu’il était en mission outre-mer durant cette période, il a été examiné par un neurologue allemand; les données de la tomodensitométrie sont normales. Pas d’antécédents familiaux de SP. Aucune anomalie neurologique par le passé. La perte de sensibilité persiste, mais diminue. » Son avis : « Neuropathie idiopathique du nerf trijumeau? Exclure la SP. » Il planifie une consultation avec le Dr Bourque. Dans la même note, il est mentionné qu’une note de référence a été envoyée par télécopieur au Dr Bourque le 22 juin 2000 et le rendez-vous a été donné une semaine plus tard.

L’appelant a eu l’impression que l’examen d’IRM devait être effectué « de toute urgence », mais l’information n’est mentionnée nulle part (ni dans la note du neurologue allemand ni dans la correspondance du collègue de service au Dr Chapman et ni dans la note de référence du Dr Chapman au Dr Bourque).

Le 29 juin 2000, une consultation a lieu avec le Dr Bourque (neurologue). Constatations pertinentes : « À l’exception de la diminution de sensibilité du côté gauche du visage et de la diminution de la coordination dans les doigts de la main gauche, aucune autre anomalie n’a été observée. La tomodensitométrie effectuée en Allemagne a été vérifiée et aucune anomalie n’a été décelée. » Le Dr Bourque mentionne que le diagnostic différentiel comprend « les maladies démyélisantes ou, si les symptômes sont liés à sa maladie précédente, peut-être un problème généralisé de cause infectieuse ou une collagénose avec manifestations vasculaires. » De plus, il s’est interrogé sur la possibilité d’une sarcoïdose ou d’un processus néoplasique. Il dit « je vais faire la demande pour une IRM ainsi que pour des analyses de sang, je vous écrirai par la suite. Pour le moment, il n’y a aucune raison physique qui pourrait l’empêcher de travailler. Par contre, je suis impatient de l’examiner davantage. »

Environ deux mois après que l’appelant ait été examiné par le Dr Bourque, les premiers examens d’IRM ont été faits (24 août 2000). Ils ont révélé quelques lésions de la substance blanche. Le rapport indique que « selon l’étiologie, ces constatations ne sont pas tout à fait particulières ». La possibilité d’une maladie démyélisante ou de la SP a été considérée. Les résultats de l’IRM de la moelle épinière étaient normaux.

Le 21 septembre 2000 (près de deux mois après que les premiers examens d’IRM aient été faits), l’appelant a rencontré le Dr Bourque pour un suivi. L’engourdissement du côté gauche du visage s’est amélioré. Le patient ressentait toujours une grande fatigue. Il a expliqué au Dr Bourque qu’habituellement, il aurait joué 40 parties de golf au cours d’un été, mais que cet été-là, il n’avait pu jouer que deux fois. Le Dr Bourque poursuit en revenant sur des analyses de sang qu’il avait fait subir au patient et qui n’ont révélé rien d’anormal. Il dit aussi que l’examen d’IRM montre plusieurs lésions qui soulèvent l’hypothèse d’une possible démyélisation (sclérose en plaques). Il a recommandé de refaire une IRM et de procéder à un examen des potentiels évoqués.

Le 11 octobre 2000, suivi avec le Dr Bourque : l’appelant dit avoir souffert de diplopie pendant plusieurs jours (avec séparation horizontale des objets). L’examen a permis de découvrir des mouvements oculaires légèrement anormaux. Le Dr Bourque a eu l’impression qu’il s’agissait d’une nouvelle atteinte légère d’une maladie démyélisante dans le tronc cérébral. Il n’a pas jugé nécessaire la prescription de stéroïdes. Il attendait les nouveaux résultats de l’IRM et de l’examen des potentiels évoqués. Il y a une note manuscrite datée du 23 octobre 2000, rédigée par le Dr Chapman : « Le diagnostic de SP a été confirmé. Les nouveaux examens d’IRM du 10 octobre 2000 ont révélé une progression des lésions. Le patient a commencé à prendre de l’amantadine pour atténuer la fatigue et répond bien au traitement. Il attend l’évaluation de la clinique de SP pour obtenir un traitement à l’interféron. »

14 décembre 2000, suivi avec le Dr Bourque : Il note que l’amantadine n’a pas aidé à atténuer la fatigue. Il a prescrit du modafinil à l’appelant pour régler ce problème. Depuis sa dernière consultation en octobre, l’appelant a rapporté une nouvelle atteinte. Il ressentait de la faiblesse à la jambe gauche ainsi que certains symptômes transitoires au bras gauche. La fatigue était toujours un problème. L’examen a révélé une diminution de la sensibilité du côté gauche du visage ainsi qu’une faiblesse et une perte de sensation en foyers à la jambe gauche. Le Dr Bourque indique en commentaire : « Je lui ai donné quelques renseignements sur les médicaments prophylactiques et je l’examinerai à nouveau la semaine prochaine. » Il sera examiné à la clinique spécialisée en thérapie contre la SP en janvier, je ne crois pas qu’il est nécessaire d’attendre les résultats de ces examens avant d’entreprendre une médication, car les traitements de cet homme seront payés par les Forces armées.

Il y a une note manuscrite datée du 9 janvier 2001 rédigée par une infirmière : « On lui a enseigné à utiliser l’auto-injecteur et l’appelant a commencé la thérapie à l’interféron. »

Le 17 octobre 2001, la Dre Stewart prend en charge les soins de ce patient en tant que médecin traitant. Elle écrit au Dr Melanson (spécialiste de la SP à Winnipeg) et pose des questions au sujet du pronostic de SP ainsi que sur les limites fonctionnelles présentes et futures auxquelles l’appelant devra faire face.

5 novembre 2001, lettre de consultation du Dr Melanson : Elle confirme le diagnostic de SP et ajoute qu’il s’agit d’un cas de SP rémittente. À ce moment, l’appelant présentait des symptômes persistants de fatigue. Il ressentait aussi de la douleur à l’arrière des jambes et aux hanches ainsi qu’une sensation de brûlure à la plante des pieds. Il souffrait aussi de crampes musculaires, plus particulièrement au repos. Il a aussi mentionné certains problèmes de mémoire. L’examen a révélé une diminution de la sensibilité du côté gauche du visage, une diminution de la capacité à exécuter des mouvements rapides alternés du bras gauche, une faiblesse à la jambe gauche ainsi qu’une diminution des réflexes rapides. Elle a déterminé que le score de l’appelant sur l’échelle étendue d’incapacité de Kurtzke se situait « autour de 2 ». Elle mentionne alors l’incertitude inhérente que présente généralement un pronostic de SP. Elle explique que dans la majorité des cas, l’état des patients commence à progresser et qu’« environ 50 % des patients qui sont atteints de la maladie depuis 20 ans seront confinés à un fauteuil roulant ». C’est ce que reflète le rapport médical que le Dr Stewart a envoyé au Programme de la sécurité du revenu du Développement des ressources humaines Canada (pour le Programme de prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada). C’est aussi le rapport que mentionne l’appelant dans le dernier paragraphe de sa lettre. Après avoir lu le commentaire disant « environ 50 % des patients seront confinés à un fauteuil roulant et à la suite de sa libération de l’armée, il sera probablement très difficile pour lui de conserver un emploi bien rémunéré », il poursuit en disant : « cela représente le dernier clou dans mon cercueil. Je sais que je n’ai pas interprété ses propos de la même façon, mais je ne peux m’empêcher de penser que c’est le commencement de la fin pour moi. À la suite de cela, la réalité m’a frappé, c’était en quelque sorte la confirmation que je n’avais plus rien à attendre et que la vie que j’avais connue était terminée. Je me suis senti seul et effrayé; les souvenirs me sont revenus à l’esprit. Ce sont ces souvenirs qui me brûlent encore aujourd’hui. Chaque fois que quelque chose va de travers dans mon quotidien ou que ma santé se détériore, le flot de souvenirs m’envahit. Je ne peux aborder le problème en question sans que mon passé ne défile devant moi comme la rediffusion d’une mauvaise émission. »

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D) Mon résumé de la maladie neurologique de l’appelant et des évaluations médicales subséquentes ainsi que mon avis sur ces éléments.

  • L’appelant présentait un engourdissement de la partie gauche de son visage, de sa bouche et de la moitié gauche de sa langue. J’aimerais souligner ce qu’un collègue du service (basé en Allemagne) écrivait dans une note envoyée au Dr Lee Chapman : il parlait d’une « paralysie partielle du côté gauche du visage ». Il semble que les termes « paralysie partielle » sont ensuite employés à quelques reprises dans de nombreuses lettres échangées. Par contre, ce n’est pas exact puisque l’appelant souffrait d’un engourdissement de la partie gauche du visage (soit l’hypoesthésie en termes médicaux). Ce trouble n’est pas mieux ou pire que la paralysie faciale, mais j’en fais état afin de rétablir les faits.
  • Quelques jours après l’apparition des symptômes, l’appelant a demandé des soins médicaux; il a été dirigé vers un dentiste en Allemagne, qu’il a pu consulter la même journée. Toujours lors de cette journée, il a consulté un neurologue qui a établi un diagnostic d’« hyperesthésie du trijumeau », ce qui se caractérise par une sensibilité réduite au visage et à la bouche. Une tomodensitométrie de la tête a eu lieu ce même jour (avec contraste par voie intraveineuse) et s’est révélée normale. Le neurologue a recommandé d’autres examens, peut-être sous forme d’analyse du liquide céphalorachidien, d’analyse de sang et d’examen d’IRM. Dans sa note, il n’est pas question d’un examen d’IRM, mais je suis certain qu’il incluait ce type d’examen dans sa recommandation. J’ai l’impression que, jusqu’à maintenant, les évaluations de l’appelant ont eu lieu dans les meilleurs délais et beaucoup plus rapidement que si la situation s’était produite au Canada. En effet, au Canada, il aurait pu voir un dentiste en une journée, mais il est très peu probable qu’il ait pu consulter un neurologue et passer un examen de tomodensitométrie la même journée (sauf à l’urgence d’un hôpital). L’appelant a bel et bien profité de soins accélérés. De plus, la consultation d’un neurologue et l’examen de tomodensitométrie ont permis d’exclure les troubles neurologiques aigus et graves (tumeur, important anévrisme, accident vasculaire cérébral, malformation artérioveineuse, etc.).
  • Un collègue du service a envoyé l’information de référence au Dr Lee Chapman par télécopieur la même journée (le 15 juin 2000). L’appelant a consulté le Dr Chapman cinq jours plus tard, soit le 20 juin 2000. Le diagnostic différentiel était juste : une neuropathie du trijumeau (complication isolée du nerf trijumeau pouvant s’expliquer de différentes manières) excluant la SP. Une lettre de renvoi pour une consultation neurologique a été rédigée le même jour, puis envoyée au Dr Bourque par télécopieur le 22 juin 2000. Une semaine plus tard, le Dr Bourque (un neurologue certifié) a examiné l’appelant. Comme tout spécialiste devrait le faire, le Dr Bourque a procédé à un vaste diagnostic différentiel. Toutefois, en tête de liste se trouvait une maladie démyélisante (la SP). En raison de la possible « infection ou maladie post-infectieuse » antérieure de l’appelant, il était justifié de voir si le trouble neurologique actuel avait une étiologie infectieuse. Également, compte tenu de la VS élevée mentionnée précédemment, le Dr Bourque a soulevé la possibilité d’une collagénose avec manifestations vasculaires et d’autres maladies telles que la sarcoïdose ou même, un processus néoplasique. Puisque le reste de l’examen neurologique était normal (à l’exception de la sensibilité réduite du côté gauche du visage) et que la tomodensitométrie avec contraste était également normale (excluant ainsi les maladies neurologiques aiguës et graves), rien ne justifiait un examen d’IRM urgent.
  • Malgré tout, le premier examen d’IRM a eu lieu moins de deux mois après l’évaluation du Dr Bourque (et tout juste deux mois après la première évaluation en Allemagne). Selon les normes du Canada, c’est un temps d’attente acceptable pour passer un examen d’IRM. TEn fait, la moyenne canadienne pour ce genre d’examen (s’il fait partie des examens de routine en cas de suspicion de SP) se situe entre six semaines et six mois. Le temps d’attente varie d’une province à l’autre et en fonction des différents facteurs en cause. Plus important encore, ce temps d’attente vaut pour les dernières années (possiblement les cinq dernières années, c’est-à-dire depuis l’installation d’appareils d’IRM dans la plupart des villes). Avant cela, le temps d’attente était beaucoup plus long (entre trois et dix-huit mois). Par conséquent, considérant que les symptômes neurologiques de l’appelant se sont d’abord manifestés en 2000, le temps d’attente de deux mois pour un examen d’IRM est tout à fait acceptable et possiblement le fruit d’un processus accéléré. De la même manière, voir un neurologue à une semaine d’avis en contexte canadien (soit la situation dont il est ici question) constitue une consultation neurologique accélérée Le temps d’attente pour consulter un neurologue (p. x. pour un engourdissement du visage lorsque la tomodensitométrie n’a rien révélé d’anormal) varie de quelques semaines à quelques mois.
  • Le premier examen d’IRM ne permettait pas d’établir un diagnostic et le Dr Bourque ne voulait pas confirmer un diagnostic grave comme celui de la SP sans avoir de données suffisantes (cliniques, électrophysiologiques et d’un deuxième examen d’IRM). Il est vrai que de petites lésions de la substance blanche peuvent apparaître sur les relevés d’IRM de la population normale. Par conséquent, un deuxième examen d’IRM était requis, tout comme un examen multimodal des potentiels évoqués. C’est ce qui est ressorti de la visite de suivi du 21 septembre 2000.
  • Le 11 octobre 2000, l’appelant disait souffrir de vision double. L’examen a permis de découvrir des mouvements oculaires légèrement anormaux. Le Dr Bourque a supposé qu’une atteinte au niveau du tronc cérébral en était la cause. Puisque les symptômes étaient légers, il n’a pas cru que des stéroïdes étaient nécessaires. Un autre examen d’IRM a eu lieu le 10 octobre 2000. Il a révélé de nouvelles lésions par rapport aux données d’IRM précédentes. Encore une fois, les découvertes ont été considérées comme étant « aucunement spécifiques à l’étiologie ». Par contre, la démyélinisation due à la SP en était probablement la cause. D’autres possibilités étaient énumérées dans le rapport de l’examen d’IRM. La consultation suivante avec le Dr Bourque a eu lieu le 30 octobre 2000. C’est au cours de cette rencontre que l’appelant a reçu un diagnostic de SP. Le Dr Bourque l’a dirigé vers une clinique spécialisée en thérapie contre la SP située au CSS de Winnipeg. Une autre évaluation a été faite le 14 décembre 2000. À ce moment, il a été question d’une faiblesse à la jambe gauche avec des symptômes transitoires au bras gauche. Cela peut être un autre effet de la SP. Le Dr Bourque a donné à l’appelant de l’information concernant un traitement modificateur de la maladie (en parlant de « médicaments prophylactiques »). À ce stade, l’appelant avait pris rendez-vous à la clinique de SP de Winnipeg au mois de janvier. Parallèlement, un traitement symptomatique a aussi été amorcé. L’amantadine n’avait aucun effet sur la fatigue, donc du modafinil a été prescrit. En janvier ou février 2001, l’appelant a commencé à prendre du Rebif.

    Finalement, j’estime que toutes les évaluations ont été faites rapidement et parfois de façon accélérée. Cela comprend la consultation d’un neurologue le jour même de la recommandation (en Allemagne), puis d’un neurologue au Canada deux semaines après la première évaluation. Les évaluations subséquentes (21 septembre, 11 octobre, 30 octobre et 14 décembre 2000) ont toutes eu lieu rapidement.

    Contrairement à ce qui a été suggéré dans diverses lettres de correspondance, je crois que l’appelant a subi un premier et un deuxième examen d’IRM rapidement (si ce n’est pas de façon accélérée). Cela n’est pas rare selon mon expérience auprès des patients qui œuvrent au sein du ministère de la Défense nationale; à mon avis, les hommes et les femmes qui servent notre pays méritent un traitement particulier. Voilà exactement ce qui s’est produit dans le cas de l’appelant.

Malheureusement, les attentes de l’appelant étaient totalement différentes possiblement en raison de mauvaises perceptions. Je ne connais pas les causes exactes de ces mauvaises perceptions, mais je peux émettre des hypothèses. D’abord, le neurologue d’Allemagne a, semble-t-il, immédiatement suggéré un examen d’IRM. Il pourrait très bien s’agir d’une norme de soins en Allemagne, tout comme les examens faits rapidement aux États-Unis, que ce soit une nécessité ou non. La tomodensitométrie avec produit de contraste n’a rien révélé d’anormal. Comme je l’ai mentionné précédemment, un tel résultat devrait exclure la présence de troubles neurologiques aigus (tumeur, accident vasculaire cérébral, anévrisme, malformation artérioveineuse, etc.). Cela est indiqué clairement dans le rapport de tomodensitométrie effectué en Allemagne. Dans la courte note que j’ai reçue du neurologue allemand (datée du 15 juin 2000), il est écrit que la « principale cause de lésion au nerf trijumeau demeure inconnue. Les résultats de la tomodensitométrie sont normaux. D’autres examens neurologiques incluant des analyses du sang et des liquides (c’est-à-dire le liquide céphalorachidien) sont requis pour établir un diagnostic. » Il n’y a aucune mention concernant un examen d’IRM, et certainement pas au sujet d’un examen d’IRM urgent. Je n’ai absolument aucun doute que l’examen d’IRM a été suggéré, mais je ne sais pas d’où vient son caractère urgent. Comme je l’ai déjà mentionné, l’« examen d’IRM urgent » n’était pas exigé dans la note du neurologue allemand (ni dans la communication entre un collègue du service et le Dr Chapman, ou dans la note de référence du Dr Chapman au Dr Bourque). En deuxième lieu, l’appelant a eu l’impression qu’immédiatement après son arrivée au Canada, un examen d’IRM serait effectué. Quelqu’un lui aurait affirmé qu’il devait d’abord consulter un neurologue en guise de préparation à l’IRM. Cela s’explique ainsi : a) il existe différents types de séquences en IRM, parmi lesquelles le neurologue choisit pour établir un diagnostic différentiel et b) une fois que l’examen d’IRM a eu lieu, c’est un neurologue qui doit interpréter les données obtenues. Ensuite, de nombreux patients croient que l’examen d’IRM permet d’établir immédiatement et de façon définitive un diagnostic. Souvent, ce n’est pas ce qui se produit. Dans le cas de la SP, un deuxième examen d’IRM est requis (et parfois même un troisième) pour confirmer le diagnostic. Enfin, l’appelant a senti qu’il y a eu un retard avant que le diagnostic de SP soit posé. Je souhaite insister sur le fait que le temps moyen nécessaire avant de poser un diagnostic de SP est de six à douze mois (dans le monde occidental). Cette durée est calculée dans un contexte où l’IRM est accessible. Avant l’apparition de l’IRM, plusieurs années étaient nécessaires pour établir un diagnostic. Dans le cas de l’appelant, la période entre l’apparition des symptômes et le diagnostic a duré environ quatre mois. Je dois dire que c’est plutôt bien, peu importe les normes.

Avant de répondre aux questions spécifiques que vous m’avez posées, j’aimerais rapidement soulever quelques autres préoccupations par rapport aux problèmes médicaux de l’appelant. En 1999, un diagnostic de fibromyalgie fondé sur une évaluation rhumatologique a été posé. Je suppose qu’un tel diagnostic reposait sur les douleurs diffuses, le sommeil non réparateur et la présence de douleur aux 18 points de la fibromyalgie. Bien que la situation se soit améliorée à plusieurs égards (depuis la première manifestation des symptômes en août 1998), il semble que les douleurs, la fatigue, la sensibilité des muscles et une structure de sommeil non réparateur se sont poursuivies. En fait, même lorsque le diagnostic de SP était fermement établi, l’appelant a une fois de plus été dirigé vers un rhumatologue (par le Dr Melanson, spécialiste de la SP). Lors de l’évaluation de 2002, il était encore question d’un « rhumatisme des tissus mous ». L’examen révèle la présence de 18 points douloureux sur un total de 18. De plus, à quelques reprises, il a été question de symptômes de dépression pour lesquels l’appelant a reçu des traitements. Finalement, d’après de nombreuses notes, le tabagisme de l’appelant est bien connu (on parle généralement d’un demi-paquet de cigarettes par jour). Pour résumer une partie des comorbidités, l’appelant semble souffrir de dépression et être atteint de fibromyalgie. Il s’agit aussi d’un fumeur de longue date. Je ne peux pas me prononcer sur la continuation des comorbidités ou des habitudes.

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E) Réponses à vos questions.

1. Quelles sont les causes connues de la sclérose en plaques?

La réponse simple, c’est qu’en date de novembre 2011, les causes exactes de la SP demeurent inconnues. Par contre, de nombreux facteurs putatifs ont été identifiés et le niveau de preuve pour chacun de ces facteurs varie de « convaincant » à « non concluant ».

Essentiellement, la SP est une maladie inflammatoire et dégénérative qui s’attaque au système nerveux central (cerveau et moelle épinière). La plupart des personnes atteintes de SP sont âgées de 20 à 50 ans (l’âge d’apparition se situe autour de 28 ans), les femmes sont trois fois plus susceptibles d’être atteintes de la maladie que les hommes, et il s’agit d’une importante cause d’incapacité au sein de la population des jeunes adultes. La SP prend souvent une forme rémittente (pour 80 à 85 % des patients à l’apparition de la maladie), mais devient progressive secondaire pour bon nombre de patients après 15 à 20 ans. Un petit pourcentage de patients (10 à 15 %) est atteint de SP progressive primaire. On estime que 15 à 20 % des cas sont bénins, c’est-à-dire de forme rémittente sans progression.

Bien que la cause exacte de la SP soit inconnue, il s’agirait d’une combinaison entre l’hérédité (les gènes) et l’environnement.

Sans aucun doute, il existe une prédisposition génétique, comme le démontrent de nombreuses études épidémiologiques et génétiques. Par exemple, les parents au premier degré sont 15 à 35 fois plus à risque d’être atteints de SP que la population générale. Le risque correspond au degré de parenté, soit l’ADN partagé par transmission héréditaire. Les jumeaux monozygotes ou identiques sont ceux qui présentent le plus haut risque; le taux de concordance est d’environ 30 %. La plupart des gènes sont trouvés sur le complexe majeur d’histocompatibilité humain (le système HLA) qui est présent au niveau du chromosome 6, région qui détermine l’effet génétique le plus marquant de la SP. Au fil des ans, de nombreux autres gènes ont été identifiés. Les plus récentes recherches ont confirmé les 23 gènes de prédisposition à la SP qui étaient déjà connus, mais ont découvert 29 autres gènes pouvant y contribuer. Ces gènes jouent un rôle central dans le fonctionnement du système immunitaire. (Sawcer, Steven, et coll. « Genetic Risk and a Primary Role for Cell-mediated Immune Mechanisms in Multiple Sclerosis », Nature, vol. 476, no 7359 [2011], p. 204.)

La prédisposition génétique n’est qu’un aspect du portrait global. Si la SP n’était qu’une maladie génétique, le taux de concordance serait de 100 % chez les jumeaux identiques. Ce n’est pas le cas, donc pour cette raison (et plusieurs autres), des facteurs environnementaux sont à considérer. En voici des exemples :

  • Il existe un lien entre la latitude et la prévalence de la maladie. En effet, la prévalence de la SP augmente plus on s’éloigne de l’équateur. De plus, les études de migration montrent que les personnes nées dans les régions à forte prévalence de SP qui émigrent avant l’âge de 15 ans dans une région où le risque est moins élevé acquièrent le degré de risque de leur nouveau pays (et vice versa). Les points suivants sont des explications possibles du lien entre la latitude et la prévalence de la SP :
    • La présence d’un agent infectieux s’attaquant au système immunitaire de l’enfant ou de l’adolescent fait en sorte que, des années plus tard, le système immunitaire déraille et provoque les signes et symptômes de la SP.
    • • D’autres personnes affirment que le lien entre la latitude et la prévalence s’explique d’un point de vue ethnique. La SP est surtout répandue chez les personnes de type caucasien, donc principalement dans le nord-ouest de l’Europe et les régions où les Européens ont émigré (Canada, États-Unis, Afrique du Sud, Australie et Nouvelle-Zélande).
    • • De nombreuses études récentes ont démontré qu’une carence en vitamine D pouvait être l’une des causes de la SP. Une carence en vitamine D explique également de façon très nette le lien entre la latitude et la prévalence. En effet, les personnes qui habitent près de l’équateur sont exposées à plus de soleil que celles qui en sont éloignées. Elles produisent donc plus de vitamine D et présentent rarement une carence. Une étude de cohorte prospective a découvert que la prise de suppléments de vitamine D est associée à une réduction d’environ 40 % du risque d’être atteint de SP. Une autre étude a démontré que chez les personnes d’origine caucasienne, le risque d’être atteint de SP diminue considérablement à mesure que les niveaux de vitamine D augmentent (Munger, K.L., et coll. JAMA, vol. 296, no 23 [2006], p. 2832-8.)
  • Un autre facteur environnemental qui a toujours fait l’objet de discussions est l’infection (virus, bactérie et autres microbes tels que la chlamydia). Dans la documentation scientifique, les preuves les plus solides concernent le VEB. En 2003, une étude publiée dans le Journal of the American Medical Association (JAMA) suggérait qu’un niveau élevé d’anticorps anti-VEB était associé à un risque accru de développer une SP. Le corollaire de cette observation est que la SP est très rare chez les adultes qui n’ont jamais été infectés par le VEB (les risques relatifs sont faibles; le rapport des cotes est de 0,06). Il semble que les niveaux d’anticorps du VEB sont également importants. Les personnes qui ont des niveaux élevés d’anticorps anti-VEB sont plus à risque d’être atteintes de SP par rapport aux personnes dont le niveau d’anticorps est faible (Levin, L.I.; Munger, K.L.; Rubertone M.V., et coll. « Temporal Relationship Between Elevation of Epstein-Barr Virus Antibody Titers and Initial Onset of Neurological Symptoms in Multiple Sclerosis », JAMA, vol. 293, no 20 [2005], p. 2496-500). De nombreuses autres études ont confirmé que les personnes atteintes d’une infection éloignée au VEB sont à haut risque de développer une SP.
  • Le tabagisme est un autre facteur de risque qui attire de plus en plus l’attention ces dernières années. Une méta-analyse rétrospective récente donnait une estimation regroupée du risque relatif d’être atteint de SP, soit environ 1,51 pour les fumeurs par rapport aux non-fumeurs (pièce jointe). Des études prouvent que le tabagisme est un facteur de risque pour une progression rapide de la SP.
  • Au cours des deux dernières années, il y a eu une série de rapports (surtout dans les médias de vulgarisation scientifique) au sujet de l’insuffisance veineuse céphalorachidienne chronique. Le premier à en parler était le Dr Zamboni (un chirurgien vasculaire italien) qui soutient que la SP peut être causée par un problème de drainage veineux du cerveau (en raison d’un rétrécissement ou d’un blocage des veines du cou). Cela provoque des reflux et un dépôt de fer dans le cerveau, ce qui produit l’attaque immunologique. Par contre, aucune étude parue depuis celle du Dr Zamboni n’a confirmé ses dires. Les recherches sont toujours en cours, mais il est peu probable que l’insuffisance veineuse cause la SP.

La plupart des facteurs environnementaux présentés ci-dessus interagissent d’une certaine manière afin de nuire au système immunitaire. Normalement, il reconnaît ses propres tissus et ne les attaque pas. Chez les personnes atteintes de SP, possiblement en raison d’une prédisposition génétique ou des facteurs environnementaux ci-dessus, le système immunitaire déraille et attaque la myéline (la gaine des fibres du système nerveux central) et l’axone (la fibre en soi) des années plus tard. Cela entraîne une inflammation, une démyélinisation et une détérioration axonale (la pathologie connue de la SP) qui causent ensuite les symptômes de la SP.

Les facteurs de risque associés à la SP semblent établir une série de liens de cause à effet putatifs. Les facteurs présents à la naissance (sexe, statut de l’antigène HLA, lieu de naissance) s’associent aux facteurs environnementaux (carence en vitamine D, exposition tardive au VEB, tabagisme et autres facteurs toujours inconnus) pour entraîner les anormalités requises (principalement au niveau du système immunitaire) afin de provoquer la SP. On ne sait toujours pas si la susceptibilité à la SP est le résultat d’une chaîne de facteurs défavorables qui doivent se présenter dans un ordre précis et qui sont dépendants les uns des autres (un effet domino), ou si les facteurs de risque sont indépendants, mais s’additionnent ou se multiplient jusqu’à ce que l’individu atteigne le seuil de développement de la SP.

Pour une discussion documentée et actuelle sur l’épidémiologie de la SP, voir en pièce jointe les deux chapitres à ce sujet publiés dans Neurology Clinics en mai 2011 (vol. 29, no 2).

Comme vous pouvez le constater dans ces chapitres qui résument la documentation scientifique sur les facteurs environnementaux de la SP, le stress n’est que brièvement abordé puisque les études à ce sujet ne sont pas concluantes.

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2. Quels sont les effets connus du syndrome de stress post-traumatique sur la sclérose en plaques?

Il n’y a rien dans la documentation scientifique qui porte précisément sur ce sujet. Aucune recherche à grande échelle (ni, d’ailleurs, aucune étude) dont j’ai connaissance ne montre que la prévalence de la SP chez les personnes atteintes du syndrome de stress post-traumatique (SSPT) est plus élevée que pour la population non atteinte du SSPT. Au fil de ma pratique, j’ai très rarement vu un SSPT associé à la SP (en plus de 22 ans d’expérience). Il existe un article portant sur l’apparition du SSPT après un diagnostic de SP. Cet article publié dans le Journal of Traumatic Stress se trouve en pièce jointe. Il porte sur l’étude de 58 patients atteints de SP (depuis huit ans, en moyenne). Parmi eux, neuf personnes avaient un SSPT. Ils présentaient un niveau de dépression plus élevé que les autres patients, et une majorité d’entre eux avaient des préoccupations quant à l’avenir en raison de leur pronostic.

Le stress et la sclérose en plaques :

Une croyance largement répandue parmi les personnes atteintes de SP ainsi que leurs proches et certains professionnels de la santé veut que le stress de presque tous les types peut déclencher une rechute ou une aggravation des symptômes de la SP. On recommande parfois aux patients d’éviter certains facteurs de stress. Les facteurs de stress putatifs incluent le stress émotionnel, les traumatismes (physiques) et d’autres interventions médicales (anesthésie et chirurgie). Étant donné la nature du cas qui nous intéresse, je tenterai de me limiter à la question du stress émotionnel relié à la SP.

Il existe de nombreuses études de qualité variée (principalement de faible qualité) qui ont abordé ce sujet. Voici quelques raisons qui expliquent pourquoi il s’agit d’un domaine d’étude difficile : a) la définition du stress varie, b) le stress peut être aigu et situationnel comme il peut être persistant et chronique, c) il existe des niveaux de stress, mais personne ne peut dire ce qu’est le stress léger, modéré ou important, d) il existe différents types de stress et e) chaque individu réagit différemment au stress. De surcroît, la SP en soi est une maladie complexe (différents phénotypes, différentes évolutions cliniques, différences entre les sexes) et il est connu que les rechutes et la progression de la maladie peuvent varier en fonction de facteurs environnementaux, principalement les infections virales, le tabagisme, l’obésité, la présence d’autres comorbidités (hypertension, diabète), etc. Les études rétrospectives sont considérablement faussées par ce que l’on appelle le biais de rappel.Les études prospectives, quant à elles, sont extrêmement fastidieuses, mais elles sont idéales lorsqu’elles sont menées à l’aveugle dans des conditions contrôlées. Toutefois, de telles études n’ont jamais eu lieu (et n’auront probablement jamais lieu).

Ces mises en garde étant faites, voici le résumé d’une recherche pertinente sur le sujet :

L’article intitulé « Association Between Stressful Life Events and Exacerbation in Multiple Sclerosis: A meta-analysis » de David C. Mohr et coll., paru dans BMJ en 2004, résume la documentation pertinente sur l’association entre les événements stressants et l’exacerbation de la SP, jusqu’au moment de la parution de l’article. Vous avez déjà une copie de l’article dans le dossier, mais vous en trouverez également une en pièce jointe. Les auteurs ont identifié 20 études et ils en ont retenu 14 aux fins de la méta-analyse. Essentiellement, ils ont démontré une augmentation statistiquement considérable du risque d’exacerbation (rechute) de la SP après des événements stressants. « Il existe une association constante entre les événements stressants de la vie et l’exacerbation subséquente de la sclérose en plaques, concluent les auteurs. Par contre, les données ne permettent pas d’établir un lien spécifique entre les facteurs de stress et l’exacerbation, et elles ne devraient pas servir à suggérer que les patients sont responsables de l’exacerbation de leur maladie. » Une étude réalisée par le Dr Nisipeanu, parue dans Neurology en 1993, est incluse dans cette méta-analyse. Cette étude arrive à une conclusion totalement opposée, c’est-à-dire que lors des périodes prolongées de stress au combat, le risque de rechute de la sclérose en plaques est considérablement réduit.

Le même auteur (David C. Mohr) en collaboration avec d’autres co-auteurs a démontré qu’une augmentation des conflits et des perturbations de la routine est suivie d’un risque légèrement accru, huit semaines plus tard, de développer de nouvelles lésions cérébrales prenant contraste au gadolinium. Toutefois, aucune preuve solide d’une relation entre le stress ou la détresse psychologique et l’exacerbation clinique (rechute) n’est établie. Toujours en 2004 dans la revue Neurology, une étude de cohorte menée à l’échelle du Danemark a été publiée, démontrant que les parents qui ont perdu un enfant étaient 1,4 fois plus à risque d’être atteint de SP que les autres parents, et que ceux qui ont perdu un enfant de façon inattendue étaient deux fois plus à risque par rapport aux autres parents endeuillés. Cette étude suggère qu’un type inhabituel de stress pendant une longue période de temps peut être associé à la prévalence de SP. Un article de R. F. Brown et coll. publié dans la revue Multiple Sclerosis en août 2006 (en pièce jointe) démontre quant à lui que les événements stressants de la vie n’ont qu’un petit impact sur les rechutes de SP. Le nombre de facteurs de stress aigus est plus important que leur gravité; les facteurs de stress chroniques ne permettent pas de prédire les futures rechutes. Les hommes ainsi que les patients atteints d’une forme précoce de la maladie ont un risque de rechute accru. La principale conclusion de cette étude indique que le stress chronique ou persistant n’est pas lié aux rechutes (contrairement à ce que concluent les études mentionnées plus haut).

La plus récente étude a été menée par T. Riise et coll. (fait intéressant : les co-auteurs ont presque tous participé aux études précédemment mentionnées). L’article est paru dans Neurology plus tôt cette année (une copie de l’article se trouve en pièce jointe). Il s’agit d’une vaste étude menée auprès de deux cohortes d’infirmières, les Nurses Health Study (NHS) I et II : la première regroupe 121 700 infirmières à partir de 1976 et la deuxième en compte 116 671 dès 1989. Le risque d’être atteint de SP à la suite d’un stress général auto-déclaré au travail et à la maison dans la NHS I en 1982 a été étudié, tout comme l’effet des abus physiques et sexuels chez les enfants et les adolescents d’après les données recueillies dans la NHS II en 2001, qui a été corrélé au risque de SP. En gros, les auteurs n’ont trouvé aucun risque de SP associé à un stress important à la maison dans le groupe de la NHS. De la même manière, il n’y a aucune augmentation considérable du risque de SP parmi les personnes qui ont déclaré avoir subi de graves sévices dans leur enfance et celles qui ont été agressées sexuellement de façon répétée durant l’enfance ou l’adolescence. En conclusion, « ces résultats ne permettent pas de soutenir que le stress joue un rôle clé dans le développement de la maladie, mais des mesures du stress répétées et mieux ciblées sont nécessaires afin d’exclure définitivement le stress comme facteur de risque potentiel de SP ».

Dans Neurology Clinics Devoted to Multiple Sclerosis (l’édition de mai 2011), deux chapitres (en pièce jointe) portent sur les facteurs environnementaux liés à la SP et le stress n’est que brièvement abordé. Encore une fois, l’accent est mis sur la carence en vitamine D, les anticorps du VEB et le tabagisme puisque les preuves à cet effet sont plus solides. Le stress n’est pas abordé en détail, car les études sont de faible qualité et arrivent à des résultats contradictoires.

Finalement, les études formant la documentation scientifique sur le stress et la SP sont mal faites et ont toutes des défauts. Une étude de perspective bien faite n’existe pas et nous pouvons dire sans nous tromper qu’une telle étude est impossible. Par conséquent, il n’y aura jamais de réponse définitive à la question posée. Les données de la documentation actuelle (mentionnées plus haut) proviennent d’une diversité d’études, certaines montrant que le stress déclenche des rechutes et d’autres affirmant le contraire. L’étude la plus récente et la plus détaillée (Riise, T., et coll.) suggère qu’aucune relation ne peut être établie entre le stress et la SP.

Ainsi, à la question portant sur le stress, à savoir s’il entraîne l’apparition de la SP ou s’il y est associé, ma réponse est non.

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3. Est-ce que les symptômes éprouvés par l’appelant en 1998 pouvaient être une manifestation précoce de la sclérose en plaques?

À partir d’août 1998, l’appelant a commencé à ressentir une multitude de symptômes, dont une profonde fatigue, des douleurs musculo-squelettiques diffuses, des frissons et des sueurs nocturnes, des nausées, une toux accompagnée d’expectorations, des douleurs abdominales, d’importants troubles du sommeil et des changements d’humeur. À l’exception de la fatigue un symptôme plutôt commun de la SP, aucun de ces symptômes ne mène à poser un diagnostic de SP. La fatigue est un symptôme non spécifique associé à une variété d’affections, p. ex. une maladie virale, la fibromyalgie, un trouble du sommeil quelconque, la dépression, l’anxiété, etc. Dans le cas de l’appelant, on peut affirmer sans crainte que la fatigue était entraînée par l’une des maladies dont il souffrait à l’époque et qu’elle n’était pas un indice de SP.

Dans une évaluation (faite par un rhumatologue), il est fait mention d’une altération de la sensibilité vibratoire sur la partie distale de la cheville. Le rhumatologue s’est alors interrogé sur la possibilité d’une neuropathie périphérique et a demandé des EMG. L’altération de la sensibilité vibratoire peut indiquer une neuropathie périphérique, mais peut également suggérer une SP. Toutefois, j’hésite à mettre l’accent sur cette découverte faite en une seule occasion par une seule personne. Lors de nombreuses autres consultations, l’examen neurologique s’est révélé normal. Plus important encore, le Dr Ilse, neurologue, a effectué un examen neurologique au moment de l’EMG et l’a déclarée normale. En l’absence de preuves corroboratives, je suis réticent à affirmer que l’altération de la sensibilité vibratoire était un premier signe physique de SP.

En conclusion, je ne crois pas que les données cliniques (symptômes et découvertes) obtenues entre août 1998 et juin 2000 étaient une manifestation précoce de la SP.

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4. Est-ce que les symptômes ou les effets ressentis par l’appelant et causés par l’invalidité psychiatrique de syndrome de stress post-traumatique auraient pu causer l’apparition de la sclérose en plaques de l’appelant, ou causer, de façon permanente ou chronique, une aggravation de la nature ou de la mesure de ses symptômes liés à la sclérose en plaques?

Selon une analyse de la documentation scientifique et ma propre expérience clinique, rien n’indique que le SSPT peut causer l’apparition de la SP. De même, rien n’indique que le SSPT peut causer, de façon permanente ou chronique, une aggravation de la SP (nombre de rechutes accru, progression de l’incapacité, augmentation du nombre de lésions apparentes à l’examen d’IRM, etc.).

D’après l’examen de l’étiologie de la SP (traitée précédemment), les facteurs qui constituent les preuves les plus solides sont la race caucasienne, le lieu de naissance (le taux est l’un des plus élevés au Canada), le sexe (les femmes sont plus souvent atteintes que les hommes), le profil génétique (c’est-à-dire le génotypage HLA, et j’insiste pour dire que la plupart des gènes associés peuvent être présents sans aucun antécédent familial de SP), une carence en vitamine D (principalement lors de la gestation ou dans l’enfance), des hauts niveaux d’anticorps anti-VEB dans le sang et le tabagisme. L’exposition à des toxines, la vaccination, les traumatismes physiques et le stress émotionnel ont des preuves très faibles ou contradictoires indiquant qu’il s’agit d’agents responsables putatifs.

Dans le cas de l’appelant, la combinaison de certains facteurs comme la race (caucasienne), l’habitat (élevé au Canada), le niveau élevé d’anticorps du VEB dans le sérum et le tabagisme sont la cause environnementale la plus plausible. L’appelant a très certainement une prédisposition génétique (comme la majorité des patients), même s’il n’a aucun antécédent familial de SP. Par conséquent, je conclus qu’il est peu probable que le SSPT ou le stress soient à l’origine de la SP de l’appelant.

De la même façon on peut étudier les facteurs liés à une aggravation permanente ou chronique de la SP, c’est-à-dire le sexe (masculin), le début de la maladie (après 40 ans), la présence de comorbidités (tabagisme) et le nombre élevé de rechutes dans la première ou les deux premières années (il semble que l’appelant ait fait entre 4 et 6 rechutes dans la même année). De mon point de vue, ce sont là des facteurs qui contribuent à la progression de la SP et je répète que le SSPT et le stress ne sont pas des facteurs aggravants.

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5. Est-ce que les symptômes ou les effets ressentis par l’appelant et causés par l’invalidité psychiatrique de syndrome de stress post-traumatique auraient pu contribuer à l’apparition de la sclérose en plaques de l’appelant, ou contribuer, de façon permanente ou chronique, à une aggravation de la nature ou de la mesure de ses symptômes liés à la sclérose en plaques?

En ce qui concerne le SSPT ou un stress qui pourrait être à l’origine de la SP, je dois affirmer qu’ils pourraient être des facteurs contributifs mineurs (comme l’indiquent les documents susmentionnés). Il existe d’autres facteurs plus probables, comme il est affirmé plus haut.

Quant à la contribution du SSPT à une aggravation permanente ou chronique de la nature de la SP, la réponse est la même : c’est-à-dire qu’il peut jouer un rôle mineur. Par contre, j’estime que le stress, le SSPT et la SP causent tous des symptômes « semblables », ce qui est détaillé plus loin (à la question 6).

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6. Est-ce qu’il existe un consensus médical pouvant appuyer la conclusion selon laquelle il existe une relation de comorbidité ou un autre type de relation médicale entre la sclérose en plaques et les effets ou les symptômes psychiatriques qui font partie du diagnostic de syndrome de stress post-traumatique de l’appelant? Si oui, de quelle nature est cette relation?

Il s’agit du domaine où je vois un nombre considérable de chevauchements entre certains des symptômes de SP, les symptômes de SSPT, la dépression, l’anxiété et même la fibromyalgie (si le diagnostic est confirmé et en cours). La principale raison est le « chevauchement de certains symptômes » qui se produit pour ces affections. Autrement dit, la SP et le SSPT, de façon indépendante, peuvent causer la dépression, l’anxiété, la fatigue et le dysfonctionnement cognitif. Par exemple, la prévalence au cours d’une vie de la dépression en cas de SP est bien au-delà de 50 % et la dépression peut certainement être un symptôme du SSPT. L’anxiété (surtout l’anxiété sociale) est également très fréquente chez les personnes atteintes de SP et, encore une fois, ce peut être un symptôme de SSPT.

La fatigue est extrêmement fréquente chez les personnes atteintes de SP (plus de 90 % des patients la ressentent). Elle se manifeste aussi en cas de dépression, d’anxiété, de SSPT, de stress et de sommeil non réparateur (noté dans les cas de fibromyalgie). La seule étude qui porte sur la relation entre le SSPT et la SP arrive à la même conclusion : un grand nombre de patients souffrant du SSPT vivent également une dépression et l’anxiété.

Les troubles cognitifs sont présents pour 30 à 70 % des patients atteints de SP. La dépression et le SSPT peuvent apparemment aggraver le dysfonctionnement cognitif. Par exemple, l’aggravation des symptômes du SSPT (dont la faible capacité d’attention, les pensées envahissantes, la perte de motivation, la dépression et la fatigue) peut altérer le fonctionnement cognitif. Cependant, lorsque les symptômes de SSPT sont bien maîtrisés, la personne peut effectuer les mêmes tâches cognitives avec facilité. Ainsi, le SSPT peut transitoirement aggraver le dysfonctionnement cognitif. De la même manière, lorsque les symptômes de SP d’une personne s’aggravent (physiques et cognitifs), les symptômes du SSPT risquent de s’aggraver eux aussi. Il y a donc une interaction et un chevauchement entre ces symptômes particuliers.

Compte tenu de la neurobiologie et de la pathogénie liées à la SP (c’est-à-dire que des lésions peuvent toucher différentes parties du cerveau), il est clair que la SP peut être à l’origine de plusieurs symptômes que l’on constate chez les personnes souffrant de SSPT. Cependant, le SSPT, en lui seul, ne peut causer de symptômes de SP.

Comme vous pouvez le constater, les « symptômes neuropsychiatriques » décrits plus haut semblent être plus présents et plus graves chez cette personne. Il sera très difficile pour l’appelant et ses soignants (neurologues, psychologues, psychiatres et autres) de déterminer les facteurs précis des symptômes. Par exemple, dans le cas d’une déficience cognitive, est-ce qu’il s’agira d’une faiblesse en matière de concentration, de pensées envahissantes et d’importants changements d’humeur dont le principal facteur contributif serait le SSPT ou ces symptômes seraient-ils dus à des lésions au cerveau (pathologie de la SP) qui touchent les régions qui contrôlent l’humeur, l’anxiété, la durée de concentration et la mémoire? Parfois, des tests neuropsychologiques sont nécessaires pour mieux comprendre les problèmes en question. Je crois que l’appelant aura besoin d’évaluations et de suivis constants avec un psychologue, parfois un psychiatre et enfin un neurologue. Afin d’éviter la mauvaise communication, le médecin de famille devra être tenu au courant de tous les plans thérapeutiques mis en place par les différents spécialistes.

Il est également important de discuter du pronostic de la SP avec l’appelant, à « l’ère des traitements modificateurs de la maladie ». Ce que l’appelant a découvert (en lisant la lettre de son médecin de famille, le Dr Melanson) est lié au pronostic de la SP avant l’arrivée des traitements modificateurs. Ainsi, le fait que la plupart des patients se retrouvent confinés à un fauteuil roulant après 20 ans n’est plus exact dans le contexte actuel. De nombreuses études d’observation confirment cela; vous en trouverez une en pièce jointe. Le neurologue aurait dû avoir une discussion détaillée, ouverte et équilibrée au sujet du pronostic de la SP en général et au sujet du pronostic particulier de l’appelant. Certaines des pensées négatives viennent de sa perception du pronostic et se manifestent par des énoncés tels que « je n’ai plus d’avenir ».

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J’ai tenté d’être le plus objectif possible dans la formulation de mon avis. Malheureusement, les informations sont contradictoires dans le domaine de la SP et particulièrement en ce qui a trait au lien entre la SP et le stress. Il est très difficile de tirer des conclusions nettes.

Si vous avez besoin de clarifications ou si vous avez d’autres questions au sujet de ce rapport, n’hésitez pas à communiquer avec moi.