Dr Champion - Avis Médical Indépendant

État Hémangiopéricytome
Date de production 17 novembre 2014
Nom du médecin Philip Champion, M.D., FRCPC

Je vous remercie de me permettre de commenter les soins prodigués à l’appelant. On m’a demandé mon avis pour savoir si le traitement et le résultat éventuel auraient été meilleurs si le diagnostic d’hémangiopéricytome avait été prononcé en 1999.

Je suis membre du Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada. Je suis spécialisé en médecine interne et je détiens un certificat de compétence spéciale en oncologie médicale. Je suis autorisé à pratiquer dans la province de l’Île-du-Prince-Édouard et je travaille actuellement comme oncologue généraliste dans un centre de cancérologie communautaire. Je traite divers types de cancers et un certain nombre de patients atteints de tumeurs au cerveau. Cependant, je ne suis pas neuro-oncologue. Je soigne aussi un petit nombre de patients souffrant de sarcomes des tissus mous, mais je n’ai encore jamais traité de cas d’hémangiopéricytome. Mes commentaires seront donc fondés sur les principes généraux s’appliquant au traitement du cancer ainsi que sur les renseignements détaillés publiés au sujet de l’hémangiopéricytome.

J’ai examiné le dossier fourni par Laura Kell contenant 320 pages tirées des dossiers médicaux de l’appelant (qui proviennent de la Colombie Britannique et de la Nouvelle Écosse) ainsi qu’un avis émis par le Dr David A. Ramsay, neuro-oncologue. Il a pris connaissance des observations pathologiques et il a évalué leur pertinence clinique. J’ai procédé à une analyse documentaire des publications récentes portant sur l’hémangiopéricytome. On a demandé au Dr Ramsay d’étudier des questions propres à la qualité des soins administrés à partir de 1999.

Voici un résumé des antécédents cliniques : en 1998, l’appelant présentait des maux de tête évocateurs d’une sinusite qui variaient en intensité depuis plusieurs mois. Par la suite, des examens par imagerie médicale ont révélé la présence d’une tumeur dans la zone parasagittale occipitale. En 1999, l’appelant a subi une résection totale ainsi qu’une radiothérapie adjuvante, effectuée quelques semaines après. Le diagnostic pathologique confirmait un méningiome atypique, tel que décrit dans le rapport du Dr Ramsay. Au début, le Dr Ramsay a assuré un suivi serré de l’appelant; il lui a fait subir une série d’examens médicaux et d’examens par imagerie du crâne. Cependant, au fil des années, la fréquence des suivis a diminué. L’appelant a ensuite déménagé de la Colombie Britannique à la Nouvelle Écosse et a continué à bénéficier d’un suivi adéquat auprès d’un neuro-oncologue, à Halifax.

En août 2010, il présentait des douleurs abdominales et une tomodensitométrie a révélé un cancer métastatique répandu dans l’abdomen. Une biopsie a indiqué un sarcome. Les tissus cérébraux prélevés auparavant ont été comparés à ceux de la nouvelle biopsie et, à ce moment, on a réalisé qu’il s’agissait de la même maladie, soit un hémangiopéricytome plutôt qu’un méningiome atypique. L’appelant a donc été traité avec au moins l’une des médications courantes contre le sarcome métastatique. Par contre, la maladie n’a pas répondu au traitement et le patient est décédé des métastases du cancer.

La mort d’un jeune homme des suites du cancer est un événement très difficile pour toutes les personnes faisant partie, de près ou de loin, de l’entourage du patient. De plus, le fait d’apprendre que le diagnostic initial était erroné exacerbe encore davantage ce sentiment de détresse. La question qui s’impose est de savoir si le résultat aurait été meilleur si on avait posé le bon diagnostic dès le départ. La question concernant la possible relation entre l’apparition de sa maladie et son exposition à des armes militaires a été débattue par de nombreux médecins consultants, mais aucune réponse définitive n’a été obtenue.

Le mal de tête est un problème courant qui peut avoir de multiples causes, dont la plupart ne mettent généralement pas la vie en danger. Le dépistage précoce d’une tumeur cérébrale chez un patient occasionnel est une tâche qui peut s’avérer très difficile. Les notes que j’ai examinées n’indiquaient aucun signe qui aurait pu mener un médecin de famille à recommander une tomodensitométrie ou à diriger le patient vers un spécialiste plus tôt. Impossible de savoir avec certitude si une chirurgie pratiquée 4 ou 5 mois plus tôt aurait pu prévenir les métastases qui lui ont ultimement coûté la vie. Nombre de tumeurs commencent à se propager avant même que le patient ne ressente de symptômes.

Le comportement clinique du méningiome atypique diffère de celui de l’hémangiopéricytome. Les hémangiopéricytomes ne représentent que 0,4 % des tumeurs intracrâniennes. Il s’agit d’un type de sarcome qui se propage occasionnellement à l’extérieur de la tête. Les méningiomes, quant à eux, se métastasent rarement. Cependant, pour ces deux affections, le traitement principal demeure un contrôle local optimal du siège primaire de la maladie. Les patients qui sont en mesure de subir une résection complète ont de meilleures chances de survie. La radiothérapie postopératoire des tissus environnants est hautement recommandée, tant dans les cas de méningiomes que dans les cas d’hémangiopéricytomes, afin d’éliminer les cellules cancéreuses résiduelles. Cependant, l’étude la plus pertinente que j’ai trouvée à ce sujet (Melone, et coll. World Neurosurgery, 2014. p. 556-562) souligne que la radiothérapie ne semblait pas contribuer à améliorer la survie à long terme des patients traités. Les auteurs ont rapporté que sur 43 patients, 5 avaient connu une récidive de cancer, apparu ailleurs qu’au cerveau. En moyenne, la période de récurrence était de 72 mois. Après 10 ans, 72 % des 43 patients étaient toujours vivants, mais seulement 29 % d’entre eux n’avaient connu aucune rechute de la maladie. Pour de nombreux cancers localisés dans d’autres parties du corps, il a été démontré que l’administration d’agents chimiothérapeutiques après la chirurgie augmente les chances de survie. Le même traitement a été étudié de long en large pour les autres types de sarcomes, les résultats se sont toutefois avérés plutôt décevants. L’hémangiopéricytome est si rare que la recherche pour de nouveaux traitements ne se limite qu’à des rapports portant sur des nombres restreints de patients. De plus, aucune recommandation pour une chimiothérapie adjuvante n’est formulée, pas même en 2014.

Certains patients présentant une récidive d’autres sous-types de sarcomes des tissus mous peuvent être candidats à la résection si la tumeur est localisée et évolue lentement. Cependant, peu de patients pourraient être traités de cette manière, et à ma connaissance, il n’existe aucune directive ni aucun consensus d’experts qui recommande que les patients comme l’appelant doivent subir des tomodensitométries du corps entier pendant de nombreuses années. En fait, tous types de cancers confondus, des taux de guérison accrus ont été démontrés dans quelques rares cas où des examens de suivi poussés ont été effectués auprès de patients asymptomatiques. Le principe général à appliquer est d’administrer le meilleur traitement au début; les détails relatifs au suivi sont moins importants.

Dans le dossier du ministère des Anciens Combattants, j’ai remarqué une lettre rédigéepar le Dr Bruce Colwell et datée du 29 janvier 2013. Je dois dire que, de manière générale, mes commentaires reflètent ses propos. En résumé, il est certes malheureux que l’appelant n’ait pas reçu le bon diagnostic histologique dès le départ. Cependant le traitement qu’il a reçu aurait été le même que si l’on avait dépisté un hémangiopéricytome. Il est certain que les médecins qui s’occupaient de ce cas se seraient montrés plus vigilants et auraient surveillé d’éventuelles métastases à d’autres parties du corps s’ils avaient connu le véritable diagnostic, mais étant donné les limites des thérapies de sauvetage disponibles, il est peu probable qu’une telle surveillance aurait permis d’aboutir à un meilleur résultat.